samedi 3 novembre 2012

IMBA vs. PCTA


Je sens que ça va péter. Euh, non, ça pète déjà. IMBA contre PCTA, le combat de l'année. L'IMBA, c'est International Mountain Biking Association, autrement dit les furieux du VTT de descente en montagne. Et ces oiseaux-là font en ce moment un lobbying d'enfer pour obtenir que le Pacific Crest Trail leur soit ouvert.

Il faut savoir que le PCT, officiellement créé en 1968, a d'emblée été réservé aux randonneurs et cavaliers. Un point, c'est tout. À pied ou à cheval. Pas en voiture. Évidemment, le but, à cette époque, c'était de l'interdire aux motos, parce que le VTT n'avait pas encore été inventé (premiers VTT commercialisés vers 1981). Il y avait, et il y a, de multiples raisons à cette limitation aux jambes ou aux pattes, et je ne vais pas vous faire un discours sur l'expérience quasi mystique que l'on peut ressentir sur un tel parcours, dans la solitude et le silence des déserts ou des forêts. Ni sur l'extrême fragilité du sentier et de son environnement, déjà très malmenés par l'érosion et les intempéries. Les hikers sont déjà nombreux à maugréer contre les chevaux responsables, à leurs yeux, de gros dégâts sur le parcours.



Néanmoins, avec la possible arrivée des riders fous dans le temple sacré des hikers fous, ça commence à sérieusement sentir la poudre. C'est un peu comme si on envisageait de laisser entrer une horde de hooligans supporters du PSG à la salle Gaveau pendant un récital de viole de gambe chère à mon ami Craig, à Hollywood, interprété par son idole Jordi Savall.
Il y a une logique antinomie entre ces deux pratiques et il suffit de jeter un coup d'œil à la vidéo ci-dessous pour vite comprendre les dangers réels que peuvent représenter les Vététistes cinglés pour les hikers qui le sont tout autant, mais à une vitesse nettement moindre. Vous imaginerez sans peine de quel côté penche mon cœur, sans la moindre animosité pour les pratiquants du VTT. J'ai suffisamment pratiqué, moi-même, d'activités farfelues (moto, canyoning, hydrospeed, rafting...) en des temps anciens où mes genoux me permettaient encore ce genre de fantaisies.

Rafting sur la Noguera Pallaresa, en Espagne, avec le raft que nous avions acheté avec deux autres copains.
Une activité très peu appréciée par les pêcheurs devant lesquels il nous arrivait de passer.


On pourrait par ailleurs arguer du fait que les États-Unis sont un pays dans lequel ni la place ni la liberté ne manquent pour la pratique de ce genre de sports (VTT, quad, moto tout-terrain, et j'en passe). Le problème vient de ce que l'IMBA est une organisation forte qui semble bien maîtriser les arcanes du lobbying. Ils sont notamment représentés, semble-t-il, par un avocat retors (les avocats sont généralement soit retors, soit véreux, vous l'aurez remarqué, je n'en doute pas) qui travaille auprès de la Cour Suprême de Californie. En outre, une bonne partie du parcours est gérée par le Forest Service. Et ça craint.
En effet, le Forest Service créé au début du XXe siècle par Gifford Pinchot n'a pas vocation, au contraire du service des parcs nationaux, à protéger l'environnement. Son objectif est de le gérer, c'est-à-dire de l'exploiter dans des conditions qui ne mettent pas en péril sa pérennité. C'est très différent. Le Forest Service donne régulièrement des autorisations d'abattage des forêts qui feraient dresser les cheveux sur la tête du moindre écolo chez nous et l'enverraient en séjour prolongé en maison de repos. Je conçois donc assez bien que dans l'optique particulière du Forest Service, autoriser quelques cinglés lancés comme des V2 sur le PCT ne mettra pas en danger la survie de la forêt. Cela pourrait cependant mettre en péril la survie de l'espèce thru-hiker, du moins ceux qui seront percutés de plein fouet au détour du sentier.
Du côté des hikers, une fois passé le temps de la stupeur et la rage, on commence à s'organiser. Mais c'est drôle, j'ai comme une vague impression que les intérêts économiques en jeu du côté des va-nu-pieds thru-hikers risquent de ne pas faire le poids face à l'IMBA et les intérêts de leurs fabricants de matériel...

Tout ça remet une nouvelle fois en lumière le caractère extrêmement fragile, voire fugace, du Pacific Crest Trail et de l'expérience inouïe qu'il propose. Ce parcours de 4300 km qu'on a réussi à tracer dans une incroyable variété de terrains, de territoires, de propriétés privées, de parcs nationaux, de zones protégées de tous poils, est un miracle, si ce n'est une anomalie historique. Le PCT est l'enfant des hippies, peace and love, buddy. Le rejeton improbable d'une période où l'on croyait encore au progrès et aux vertus du retour de l'homme à la nature. Nous n'en sommes plus là, hélas. De nombreux requins rôdent désormais dans ses eaux de moins en moins cristallines.






2 commentaires:

  1. Bonjour,
    Je suis pratiquant de VTT et randonneur; je ne pense pas que d'opposer Les 2 disciplines soit judicieux car la philosophie est la même surtout quand on s'attaque à un parcours de 4300kms.
    Je m'explique, vous parlez de "descendeurs fous", or ceux-ci doivent en fait, représenter moins de 5% des pratiquants de mtb (Mountain bike) et les fous moins de 0,05%.De plus vous ne risquerez JAMAIS de les croiser sur un trail comme le PCT , leur monture ne leur permet que de descendre!
    Par ailleurs , au cas ou il y aurait à partager un tel itinéraire, outre le fait qu'un VTT est rapide, il est proportionnellement bruyant , donc vous aurez le temps de prévenir de l'éventuel face à face; il m'arrive souvent d'emprunter des portions du chemin de St. Jacques (très emprunté, non?) et pourtant il n'y a jamais de souci et je dirai qu'au contraire je sers souvent de guide et profite des rencontres pour indiquer des variantes qui seront très appréciées! (point de vue, gastronomie,etc...)
    J'espère que mon point de vue vous permettra de voir le vttiste différemment .(les lobbies sont bien présents sans doute mais il existe aussi des associations de vttistes qui œuvrent pour un comportement exemplaire)
    En tous cas , grace à votre blog je sais que je ne peux pas parcourir le PCT avec ma monture préférée :-(
    Au plaisir de vous croiser un jour!
    Yann,

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  2. Merci de ce commentaire, Yann. Personnellement, au-delà de quelques remarques à prendre plutôt au 2e degré, je n'ai pas de religion sur ce sujet. Mais j'ai en revanche bien perçu l'animosité des hikers vis-à-vis de cette perspective d'ouverture aux VTT.

    En fait, j'ai l'impression que l'animosité des randonneurs est alimentée par le fait que le PCT est formellement interdit aux VTT, que les Etats-Unis sont un pays où le respect de la loi est normalement élevé au niveau de religion, et qu'on trouve pourtant nombre de vététistes sur le parcours (ou les traces de leur passage). Et ça, ça les agace prodigieusement.

    Mais même à pied (!), je ne saurais trop, effectivement, vous encourager à aller y faire un tour...

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