Holcomb Canyon mile 394
gentillesse [ʒɑ̃tijɛs] nom féminin
étym. XIIIe; gentillece v. 1265; jantillesce
« noblesse » v. 1175 ◊ de 2. gentil
1. Rare Charme de ce qui est joli,
gentil (2°). ➙ grâce.
2. Vx Chose spirituelle. « Peste !
où prend mon esprit toutes ces gentillesses ? » (Molière).
▫ Iron. Trait méchant, injure.
« les gentillesses qu'on a débitées sur mon compte » (Rousseau).
3. (XIXe) Cour. Qualité de qqn qui a de la bonne grâce, de l'empressement
à être agréable, serviable. ➙ amabilité,
aménité, complaisance, obligeance. Auriez-vous la gentillesse de m'aider ? « Il
poussait même la gentillesse jusqu'à faire la conversation avec la
servante » (Henriot). Il l'a fait
par gentillesse. Recevoir qqn avec gentillesse, beaucoup de gentillesse.
Il abuse de votre gentillesse. ➙ bienveillance,
bonté, générosité, indulgence.
4. Une, des gentillesses. Action, parole pleine de gentillesse. ➙ attention, prévenance. Je vous
remercie de toutes les gentillesses que vous avez eues pour moi. Faire
une gentillesse à qqn. Faites-moi la gentillesse d'accepter.
Gentillesse: spécialité américaine.
Gentillesse, hier soir à Wrightwood, de
tous (je dis bien TOUS) les habitants que je croise en arrivant dans le
village, et qui me disent bonjour.
Gentillesse, de cet enfant de 7 ou 8 ans en
trottinette, qui me dit bonjour, lui aussi.
Gentillesse, de celui qui arrive en voiture
face à moi, ralentit, baisse sa vitre et me crie: “Bienvenue à Wrightwood!”
Gentillesse, du patron du motel qui me
propose de laver mon linge et me le rapporte, séché et plié, sans rien
demander.
Gentillesse, de ce jeune homme, ce matin,
qui ne me laisse même pas le temps de poser mon sac pour commencer à faire du
stop et m’emmène en Jeep à quelques miles de là, jusqu’au PCT, avant de faire
demi-tour.
Il fait grand beau temps, l’air est
tellement sec qu’il est parfaitement limpide. Je dois parcourir plusieurs miles
jusqu’au pied de l’ascension de Mount Baden-Powell. Mais mon genou n’a pas du
tout aimé la journée d’hier et il me fait souffrir. Je pense qu’il est
peut-être plus sage de l’épargner un peu. Au pied de Baden-Powell, le PCT fait
un triangle équilatéral posé à la verticale. Soit on monte jusqu’au sommet et
on redescend de l’autre côté, soit on se contente de parcourir la base. C’est
ce que je choisis de faire, mais je vais rendre ma journée compliquée, sans le
savoir. De toute façon, on entre dans un secteur où l’itinéraire devient assez
compliqué à trouver. Il y a plusieurs détours, dont celui du jour, qui vise à
protéger une espèce en voie d’extinction, la grenouille des montagnes à pattes
jaunes. Si, si… La grenouille, elle nous vaut un détour de 20 miles
supplémentaires. Le Pacific Crest Trail est en effet fermé dans la zone où
elles sont censées se trouver, pour qu’on leur foute la paix. Mais en étudiant
le dédale des sentiers sur les cartes de Halfmile, je vois que je pourrais
faire coup double: éviter l’ascension brutale de Mt Baden-Powell et la neige,
tout en me retrouvant sur le détour de la grenouille, ce qui me ferait encore
gagner quelques miles. Il faut que je prenne le Manzanita Trail, à partir de
Vincent Gulch. OK, pas de problème, je vois un panneau…
Et je descends le long d’une piste
empierrée sur plusieurs miles. Je finis par arriver à un semblant d’emplacement
de camping, mais il y a quelque chose qui ne colle pas. J’examine les cartes,
le GPS, je ne comprends plus où je suis. C’est sûr, il y a un problème, je ne
parviens pas à m’orienter. Je reprends la piste et, peu après, je tombe sur un
groupe de types en combinaison orange, en train de débroussailler à proximité
d’un ensemble de bâtiments, au milieu de la forêt. Des pompiers? Je m’approche
et je vois alors la plaque devant les bâtiments: STATE PRISON. Oups!
Effectivement, je rejoins un des types, “State Prisoner” est imprimé en grosses
lettres sur une jambe de son pantalon. Mais ce sont des prisonniers américains,
bien sûr, et ils me disent tous gentiment bonjour. Je me sens un peu mal à
l’aise. Mais le surveillant m’a vu et arrive aussitôt en voiturette électrique.
Je suis tombé sur un randonneur qui connaît bien les sentiers du coin. On sort
les cartes, le GPS, et il m’explique que je me suis trompé au départ et qu’au
lieu de suivre Manzanita Trail, je suis parti sur une autre piste qui m’a
éloigné du PCT. Super, c’est mon genou qui est content…
Le surveillant me dit que je dois descendre
le long de la route qui part de la prison, sur plusieurs miles, afin de
récupérer le détour des grenouilles à pattes jaunes. Il m’aurait bien emmené
mais il faut qu’il surveille ses gaillards. Ouais, sans doute… C’est
préférable, tout de même.
Et je continue donc à marcher, inlassablement.
Je sens qu’il y a au moins deux ampoules qui commencent à m’emm…, mais je n’ai
pas le choix, d’autant qu’on a rallumé
le chauffage. Le surveillant m’a indiqué un canyon perdu sur le détour, où je
trouverai de l’eau et de l’ombre. En avant, position marche automatique.
J’ai passé la journée seul; je n’ai vu que
Jeremy et son chien à l’endroit où je reprenais le sentier. Il a perdu ses
cartes. Je ne le sens pas bien, le Jeremy, qui n’a pas prévu l’eau pour son
chien et a maintenant perdu ses cartes. Il veut faire du stop pour aller à
Wrightwood manger. Au moins, le chien pourra boire.
Vers 16 heures 30, je suis enfin à Holcomb
Canyon, un peu vidé. L’endroit est effectivement sympathique, à un tout petit
détail près. Je suis tout seul, et la configuration des lieux — un profond
canyon boisé, bien éloigné de tout — me paraît l’habitat idéal pour les ours du
coin. Et il y en a. Je me fais donc réchauffer un très mauvais lyophilisé à 200
mètres de la tente, avant de me lancer dans l’opération toujours agaçante du
sac de nourriture à suspendre à une branche, théoriquement hors d’atteinte d’un
ours. Mais je sais bien que n’importe quel ours stagiaire de 1ère année en
formation cambriolage sera capable, avec un minimum de détermination,
d’embarquer ma nourriture de la semaine. C’est toujours la roulette russe,
cette affaire. En tout cas, j’ai suspendu le sac assez loin de la tente, par
prudence…
Andy, l’Australien bip-bip, vient de passer
en coup de vent. Il avance comme un V2, ce gars-là. 22 ans dans l’armée, me
dit-il. Ah bon, c’est donc ça qui me manque, alors?
Au final, je ne sais pas exactement combien
de miles j’ai parcouru aujourd’hui, parce que les piles du GPS continuent de me
créer des problèmes, mais j’ai progressé de 24 miles (38,5 km) sur le PCT.
C’est plus que bien. Je suis maintenant à 630 kilomètres du Mexique. Ça
commence à faire sérieux…
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