dimanche 9 décembre 2012

Méditations sur la mort d'une rock star

Ce n'est pas une nouvelle sans importance, en dépit des apparences. Elle a même été annoncée en première page du New York Times aujourd'hui. Ils ne font pourtant pas vraiment dans le fait divers crapuleux, au NYT. 832F est morte. Voilà. Elle a été abattue, quelque part hors de son environnement habituel. Dans le Wyoming.

832F était un loup, une louve plus exactement. Mais pas n'importe laquelle: elle était la femelle alpha de la meute la plus célèbre et la plus visible du Parc National de Yellowstone, la meute de Lamar Canyon. 832F était tellement célèbre que les naturalistes de la région la considéraient comme une rock star. Les touristes se pressaient pour venir l'observer, depuis plusieurs années. Elle était constamment observée par ses paparazzi à elle.
Manque de chance pour elle, celle que certains considéraient comme le loup le plus célèbre du monde est sortie du parc. C'était une mauvaise idée, dans un État qui venait de rétablir la chasse au loup interdite depuis des décennies. Son compagnon, 754, a été, lui, abattu le mois dernier. Sale temps pour les loups. Équipée d'un collier émetteur GPS, 832F était une ressource très précieuse pour les scientifiques qui suivaient ses déplacements.

832F, the most famous wolf in the world (Photo Jimmy Jones, American Scientist)

Titre du magazine Outside:
"Un loup célèbre abattu à l'extérieur de Yellowstone. 832F tuée légalement par un chasseur."



Alors? Oui, je sais, la mort d'une louve de Yellowstone n'a, semble-t-il, qu'un très lointain rapport avec le Pacific Crest Trail, non? Et pourtant si, parce que cette nouvelle m'a donné à méditer sur les problèmes de la faune sauvage dont regorge le parcours du Pacific Crest Trail. Et cela d'autant plus que j'habite dans une région de montagne où la réintroduction de quelques malheureux ours est une source intarissable (pas comme dans le désert...) de polémiques. Comme l'a été la réintroduction des loups à Yellowstone.

Dans les années 1990, une trentaine de loups importés du Canada ont été réintroduits à Yellowstone d'où ils avaient été exterminés. En clair, l'objectif était de réinstaller le prédateur qui manquait au sommet de la chaîne alimentaire afin de rétablir un équilibre "naturel". Ces loups sont maintenant une centaine, répartis en une dizaine de meutes. Celle de Lamar, la plus connue, comportait huit loups. C'est son chef qui vient de disparaître.

Vous connaissez tous le débat sur la réintroduction de prédateurs disparus, l'éternel conflit entre les partisans d'un environnement sauvage et ceux qui en vivent, éleveurs, bergers, et autres. Je ne suis pas suffisamment compétent pour vous infliger mon opinion sur cette question. Vous avez de la chance. Je note cependant, pour en avoir déjà parlé, qu'il y a parfois lieu d'être surpris de voir comment les espèces sauvages sont protégées dans l'Ouest américain. Mais la question est hautement complexe et parler de "l'Ouest" est d'ailleurs une généralisation abusive. Même en Californie, il y a encore des secteurs où la chasse à l'ours est autorisée (il est question de l'interdire totalement).
Concernant les loups, au-delà de la légitime opposition des éleveurs, il est intéressant de remarquer que l'environnement du Parc National de Yellowstone en a été notablement modifié, et souvent enrichi. Le plus simple est de vous traduire un extrait d'un article d'American Scientist, consacré à ces questions, et particulièrement à la fameuse meute Lamar de Yellowstone: 



"One of the more obvious changes is a decline in the elk population. The herd also tends to stay in smaller groups than previously. Fewer elk overall means that the cottonwoods, willows and aspens along the rivers now form denser, healthier stands because their shoots are not eaten to the ground by over-abundant elk.
Beaver are increasing, damming up rivers, creating new meadows and providing new habitats for songbirds and fish. Coyotes are hard-hit by the wolves, which kill them as competitors. The coyote population has dropped precipitously, since those that are not killed tend to avoid areas with wolves. Because coyotes used to suppress fox populations, foxes are expected to be more common. All kinds of scavengers, from ravens to bears, have more carcasses to eat. Finally bison—which only a few wolf packs have learned to kill—are still growing in number but now wander outside of the park in larger numbers. Perhaps they are avoiding wolves too.
Where’s the controversy? Ask the ranchers in Paradise Valley, just outside the park, what they think of the reintroduction. “How would you feel if somebody plonked down a pack of wolves in your backyard?” they say, with good reason. Some have been on the land since the 1800s and never had a “wolf problem” before reintroduction. They fear for their children, grandchildren, pets and livestock."


"Un des changements les plus évidents concerne le déclin de la population de cervidés. Les hardes tendent à se rassembler en plus petits groupes qu'auparavant. Moins de cervidés impliquent que les cottonwoods, les saules et les trembles le long des rivières forment maintenant des bosquets plus touffus et plus sains parce que les pousses ne sont plus dévorées par les cervidés trop nombreux. 
Le nombre de castors augmente, ils construisent des barrages qui créent de nouvelles prairies et offrent de nouveaux habitats aux oiseaux et aux poissons. La population de coyotes s'est effondrée, car ceux qui ne sont pas tués ont tendance à éviter les zones occupées par les loups. Comme les coyotes contrôlaient la population de renards, on s'attend à en voir davantage. Toutes sortes de charognards, des corbeaux aux ours, disposent d'un plus grand nombre de carcasses. Enfin, les bisons — que seules  quelques rares meutes de loups ont appris à tuer — voient leur nombre augmenter, mais ils se déplacent hors du parc en plus grand nombre. Peut-être pour éviter les loups.
Où est la polémique? Demandez aux éleveurs de Paradise Valley, juste à l'extérieur du parc, ce qu'ils pensent de la réintroduction. "Que diriez-vous si quelqu'un avait balancé une meute de loups dans votre jardin?" disent-ils à juste titre. Certains sont là depuis le XIXe siècle, et n'avaient jamais eu de problèmes avec les loups avant la réintroduction. Ils ont peur pour leurs enfants, petits-enfants, leurs animaux domestiques et leur bétail."



En Californie, la question de la présence d'espèces potentiellement sauvages se pose de manière différente, car il n'y a pas d'activités pastorale ou d'élevage susceptibles d'être heurtées de manière frontale. Les enjeux sont autres et, évidemment, la présence de ces espèces (ours, pumas, etc...) dans des régions à très forte densité de population n'est pas anodine. Lorsque j'y étais, en avril, un ours avait pris la regrettable habitude de descendre en ville pour dîner,... au nord de Los Angeles. Un puma a, lui, été trouvé au centre de Santa Monica.

Bref, la triste mort de 832F m'a donné à méditer. Sur ce qu'on appelle la nature. Sur les représentations qu'on s'en fait. Sur la protection de la biodiversité. Sur la place de l'homme dans cette nature. Sur les chasseurs qui tirent sur tout ce qui bouge. Bref... J'ai eu envie de vous traduire un autre  passage de l'article d'American Scientist, consacré à la meute Lamar. Je l'ai trouvé très intéressant. Il décrit une scène observée alors que les loups de Lamar se sont emparés d'une charogne de bison et se battent pour la garder:


"The wolves were beautiful—some gray with black and bits of brown, a few pure black, one nearly white. Brad told us it was a strong pack formed a few years earlier by the alpha female and a pair of brothers she had teamed up with. Now they were eight strong, with at least four pups in a nearby den. The two- and three-year-old youngsters were already good hunters. They were a powerful group.
They finished eating for the moment and strolled down the slope to the river. Two young black wolves jumped into the water and others pounced on each other and played, while their elders lapped genteelly at the cool water and found comfortable places to nap.
After watching them for about half an hour, I glanced back up at the carcass, where ravens were enjoying the abundant leftovers. I focused my binoculars on something gray: a wolf. I refocused on the pack and counted: one-two-three … yes, all eight were down on the river flats. “There’s another wolf on the carcass,” I said.
One of my companions answered, “No, all eight are by the river.”
“No, look,” I said. They looked.
Somebody asked Brad if it could be a coyote. He said, “If that’s a coyote, it’s the biggest one in history. That’s a wolf.”
Nine wolves were in sight. As we speculated on what the appearance of another wolf meant, the pack sat up, looked around and sniffed the air. They knew the ninth wolf was there.
The alpha female stood up and started to lead the pack up the slope to where the carcass lay. When the ninth wolf came into their sight, the pack broke into a run. The ninth wolf took off at top speed. Soon the pack was flat out after the stranger. It was a long chase and they moved incredibly swiftly across the slope. At one point the strange wolf had a considerable lead, and I thought it might escape. Then one of the younger pack wolves took over the role of main pursuer and slowly narrowed the gap. As he closed on the lone wolf and bit it on the rear, the drama moved to an area where the leaves of a cottonwood tree shielded the details from our view. We saw each pursuing wolf literally jump into the fray. Fur flew. Tails went up in the air. The lone wolf never came out and probably died.
Dancing and jumping, the pack celebrated its third triumph of the day. Since dawn, they had defended their kill and territory against two wolves, most likely from the adjacent Mollie’s Pack. Brad speculated that, if these loners were both from Mollie’s, losing two adults in one day might be the end of that pack as a cohesive entity. The Lamar Canyon Pack wolves returned to the bison carcass exuberantly, ate some more, and later settled down at the river’s edge to snore and rest. Life was very very good for them."

"Les loups étaient magnifiques — certains d'entre eux gris avec des nuances de brun, d'autres d'un noir pur. Brad nous a expliqués que c'était une meute forte créée il y a quelques années par la femelle alpha et deux frères avec qui elle faisait équipe. Ils étaient dorénavant huit, avec au moins quatre louveteaux dans une tanière à proximité. Les jeunes de deux et trois ans étaient déjà de bons chasseurs. C'était un groupe puissant.
Ils avaient fini de manger pour l'heure, et ils ont tranquillement descendu la pente vers la rivière. Deux jeunes loups noirs ont sauté dans l'eau, d'autres se bousculaient et jouaient, tandis que les aînés lapaient calmement l'eau fraîche et cherchaient des endroits confortables où faire un somme.
Après les avoir observés une demi-heure, j'ai à nouveau jeté un coup d'œil vers la carcasse où les corbeaux festoyaient. J'ai réglé mes jumelles sur quelque chose de gris: un loup. J'ai regardé à nouveau la meute et je les ai comptés: un, deux, trois... oui, les huit étaient bien au bord de la rivière. "Il y a un autre loup sur la carcasse", ai-je dit.
Un de mes compagnons a répondu: "Non, les huit sont à la rivière".
"Non, regardez", ai-je répondu. Ils ont regardé.
Quelqu'un a demandé à Brad s'il pouvait s'agir d'un coyote. Il a répondu: "Si c'est un coyote, c'est le plus gros de l'Histoire. C'est un loup."

On avait donc neuf loups sous les yeux. Alors que nous réfléchissions à la signification de l'arrivée d'un autre loup, la meute s'est redressée, a regardé tout autour et humé l'air. Ils savaient que le neuvième loup était là.
La femelle alpha s'est relevée et a commencé à diriger la meute vers le haut en direction de la carcasse. Lorsqu'ils ont aperçu le neuvième loup, ils se sont tous mis à courir. Le neuvième loup s'est enfui à toute vitesse. Très vite, la meute s'est précipitée à la poursuite de l'intrus. Ce fut une longue poursuite et ils se déplaçaient à une vitesse incroyable en travers de la pente. À un moment, le loup étranger disposait d'une avance considérable et j'ai cru qu'il allait pouvoir s'enfuir. Mais alors, un des jeunes loups de la meute a pris le rôle du chasseur et a réduit progressivement l'écart. Au moment où il a rejoint le loup solitaire et l'a mordu à l'arrière-train, le drame s'était déplacé vers une zone où les feuilles d'un cottonwood nous masquait les détails. Nous avons vu chacun des loups poursuivants se jeter dans la mêlée. Des poils volaient. Les queues étaient dressées en l'air. Le loup solitaire n'en est jamais ressorti et  a probablement été tué.
La meute a célébré son troisième triomphe de la journée en dansant et en sautant. Depuis l'aube, ils avaient défendu leur proie et leur territoire contre deux loups, très probablement originaires de la meute voisine de Mollie. Brad pensait que si ces deux loups isolés venaient tous deux de Mollie, la perte de deux adultes en une seule journée était susceptible d'entraîner la fin de la cohésion de cette meute. Les loups de la meute de Lamar sont joyeusement revenus à leur carcasse, ont à nouveau mangé, puis se sont installés au bord de la rivière pour s'y reposer. Tout allait très, très bien pour eux."


Il aura fallu en arriver, vers 1850,  aux écrits (scandaleux, à l'époque) de Charles Darwin sur la sélection naturelle des espèces et leur lutte pour la survie pour qu'on commence à prendre conscience que la nature n'était pas forcément une création divine où régnait l'harmonie et la bienveillance universelles. C'est le choc de cette découverte qu'a  magnifiquement rendu le poète Alfred Tennyson dans sa célèbre expression: nature, red in tooth and claw. La nature, toute de griffes et de dents sanglantes... C'est bien ce que nous confirme la meute de Lamar, non? Ou le chasseur qui a abattu 832F.

La meute Lamar au boulot, janvier 2012.

mercredi 14 novembre 2012

Un problème de liquidités

Le désert oppose quelques sérieux obstacles au randonneur. La chaleur, jusqu'à l'insupportable, une faune et une flore qu'un environnement brutal a conduits à développer de redoutables stratégies de défense, l'absence de ce constituant essentiel de la vie qu'est l'eau.
Le désert soulève donc d'intéressantes questions, notamment sur la manière de l'aborder. Ou la période propice pour s'y lancer. Et une photo découverte sur le blog de Halfmile* m'a donné matière à réflexion. Elle a été prise début juin 2012 à Barrel Spring, au débouché de ce redoutable tronçon du désert d'Anza-Borrego qui s'appelle San Felipe Hills. Comme vous le noterez sans doute, la source de Barrel Spring souffre de quelques déficiences. Et ça, rétrospectivement, quand on a parcouru ce remarquable secteur par une température indécente, ça fout les jetons. Même si on note avec soulagement que quelque âme charitable a déposé plusieurs bidons d'eau.


Barrel Spring, Dry as a Bone. Photo Halfmile.



Afin de mieux comprendre l'intérêt de la photo de Halfmile, il est utile de revenir à mon propre récit de la traversée de cette région, à la date du 17 avril dernier:

17 avril:
"J’ai empli ma gourde souple au maximum, 4 litres, et j’ai pris un bidon d’un litre comme réserve de secours. Je ne peux en effet pas savoir où j’en suis de ma consommation dans la gourde. La randonnée dans le désert, c’est par définition une randonnée où vous prenez des risques. Vous faites un pari de consommation d’eau, vous cherchez le juste milieu poids-sécurité-distance. De ce point de vue, j’ai dû voir juste. J’ai le sentiment que je suis parvenu au bon équilibre, le poids du sac est supportable et je marche bien. Je me sens réellement en forme et le moral grimpe en flèche.
Mike et Monica m’ont d’abord lâché, parce que je m’arrête sans cesse pour faire des photos d’extraordinaires paysages que je ne reverrai sans doute jamais, mais je les rattrape bientôt. Nous faisons une pause ensemble, il fait très chaud. Ça monte, ça monte, et ça monte encore. Aridité absolue. La prochaine source d’eau sûre est Barrel Spring, mile 101, à 38 kilomètres! À 24 km de montée ininterrompue se trouve la cache d’eau approvisionnée par Charlie Jones, qui est responsable de ma présence ici. C’est lui qui, il y a quinze ans, m’avait parlé pour la première fois du PCT."


Barrel Spring, "La prochaine source d'eau sûre"??? Vraiment? Quand vous vous engagez dans ce tronçon du désert, vous avez donc devant vous 24 km pour atteindre la cache d'eau de la "3e barrière" (Third Gate Cache), puis 14 km pour atteindre la source "sûre" de Barrel Spring, et une quinzaine de kilomètres supplémentaires pour parvenir à la microscopique "ville" de Warner Springs. Un total de 53 kilomètres, bien tassé. De désert torride.
Il est impossible (?) de porter la quantité d'eau nécessaire pour affronter 53 km de désert brûlant en montée quasi continue, en supplément de tout le matériel habituel, bien sûr. Ce parcours n'est dès lors possible qu'en se reposant sur deux approvisionnements d'eau intermédiaires: la cache de Charlie et la source de Barrel Spring. Et ces deux points d'eau sont aussi aléatoires l'un que l'autre.


La quadrature de la cache d'eau:
Une cache est un endroit où des bénévoles viennent déposer de l'eau, pendant toute la saison de randonnée. L'apparition miraculeuse de bidons d'eau au milieu de nulle part, alors que vous titubez de fatigue et de soif. J'ai rencontré des caches à Scissors Crossing, dans les San Felipe Hills, dans la vallée de Chihuahua, dans Bouquet Canyon Road, en lisière du Mojave.
Ces caches d'eau (pas si nombreuses que ça, bien sûr) dépendent entièrement de la générosité impensable et de la bonne volonté de bénévoles (pléonasme nécessaire, pour insister) qui se coltinent des dizaines de bidons d'eau dans le désert pour les approvisionner. Outre le coût de ces importantes quantités d'eau et l'énergie et le temps employés à faire des allers et retours dans le désert avec des bidons d'eau à la main et dans le sac, la fréquentation croissante du Pacific Crest Trail menace cette précieuse ressource. Jusqu'où, jusqu'à quand, les bénévoles qui veulent pour le moment se charger de cette tâche ingrate pourront-ils le faire? Combien de centaines de litres d'eau peut-on espérer les voir trimballer inlassablement dans le désert année après année? Leur lassitude, justement, quand va-t-elle les conduire à dire: stop!?
Et, naturellement, il convient de ne pas parvenir à la cache tant attendue au moment exact où il n'y a plus d'eau, bidons vides, réapprovisionnement non fait. Les caches d'eau sont, et doivent être, un point d'interrogation. Ce point d'interrogation me paraît extrêmement fragile dans un avenir très proche. Il y avait bon an mal an 200 à 300 hikers au départ du Pacific Crest Trail à Campo en avril. Cette année, le PCTA a délivré... 800 permis. Raisonnons de manière simpliste: ces 800 randonneurs assoiffés parviennent à la cache de Charlie et dézinguent, comme moi, un bidon de 4 litres d'eau (un gallon). Il faut donc apporter 4000 litres d'eau dans le désert, pour cette seule et unique cache. Allez, disons que vous êtes une bande de cinq généreux copains qui ont accepté de se charger de ce délire. Il faudra, chaque année, que cela vous convienne ou pas, que chacun porte 800 litres d'eau, soit 211 bidons d'un gallon. Un gallon pèse 4 kg. Combien pensez-vous pouvoir en porter dans la canicule du désert? Trois? OK, vous aurez 12 kg sur le dos ou à la main, dans le désert. Mais il faudra faire cette navette... 70 fois, entre le début du mois d'avril et la fin du mois de mai, en gros. C'est-à-dire, euh, désolé, une fois par jour. On espère que vous êtes retraité et que vous aimez la chaleur et les serpents à sonnette.

La quadrature de la source:
L'eau dans le désert est une ressource, euh, disons... peu abondante. Et éphémère. S'il peut encore y avoir des points d'eau au tout début de la saison de randonnée, début avril, ceux-ci — comme le montre la photo de Halfmile — se tarissent rapidement. Et encore faut-il prendre en considération les conditions météo: la disponibilité de l'eau dans le désert est une résultante de la pluviométrie. Et celle-ci est très aléatoire. Imaginez, essayez juste d'imaginer, votre tête lorsque vous arriverez à Barrel Spring. Vous avez marché pendant des heures en montée ininterrompue, sous une chaleur accablante, vous n'avez plus une goutte d'eau, vous êtes sérieusement déshydraté, très fatigué, et il n'y a plus d'eau. Le bassin est "dry as a bone", "aussi sec qu'un os", comme l'écrivait Halfmile.
C'est simple, il faut marcher quinze kilomètres supplémentaires pour atteindre Warner Springs. Là-bas, les oiseaux vous l'ont dit, il y a de l'eau. C'est là qu'ils s'approvisionnent eux-mêmes.

Ravitaillement en vol à Warner Springs.



La quadrature de la date de départ:
La photo de Barrel Spring début juin suggère qu'il pourrait être sage de démarrer le plus tôt possible. Il fera moins chaud et on aura davantage de chances de trouver de l'eau. Néanmoins, la question de l'eau des caches reste en suspens. On vous dit et on vous rabâche qu'il ne faut pas compter dessus. Non, non, non. Peut-être, mais quel autre choix avez-vous, dans la mesure où ne pas compter sur la cache de Charlie, par exemple, vous impose d'être autonome en eau pour une quarantaine de kilomètres, afin d'atteindre... oui, vous savez, l'eau cristalline de Barrel Spring.
Et un autre paramètre vient bien entendu compliquer la situation. Vous avez raisonnablement choisi de démarrer très tôt, début avril, voire plus tôt. Mais vous allez devoir affronter la neige, beaucoup de neige, trop de neige. Celle de la Sierra Nevada, bien sûr, qui n'aura même pas entamé sa fonte quand vous y parviendrez, mais aussi celle des différents massifs qui constellent le désert, San Jacinto, San Gorgonio, San Gabriel... La vraie montagne dans le désert, elle commence à trois jours de marche de la frontière mexicaine.

Il s'agit par voie de conséquence de trouver un compromis. La majorité des hikers, ceux qui participent au kick-off, entament leur marche le dernier week-end d'avril. En quelque sorte, la dernière limite avant que le désert ne devienne carrément infranchissable. Parce qu'ils privilégient la question de la fonte de neiges, quitte à prendre des risques dans le désert. 1200 kilomètres, tout de même.


Third Gate Cache, San Felipe Hills.

Hiker Oasis, Chihuahua Valley.




* Est-il encore nécessaire de rappeler que Halfmile (Lon Cooper à la ville) est ce remarquable individu qui fournit gracieusement la cartographie GPS et papier complète du Pacific Crest Trail? Sans le généreux travail incessant de Halfmile, parcourir le PCT serait une proposition autrement plus compliquée.

samedi 3 novembre 2012

IMBA vs. PCTA


Je sens que ça va péter. Euh, non, ça pète déjà. IMBA contre PCTA, le combat de l'année. L'IMBA, c'est International Mountain Biking Association, autrement dit les furieux du VTT de descente en montagne. Et ces oiseaux-là font en ce moment un lobbying d'enfer pour obtenir que le Pacific Crest Trail leur soit ouvert.

Il faut savoir que le PCT, officiellement créé en 1968, a d'emblée été réservé aux randonneurs et cavaliers. Un point, c'est tout. À pied ou à cheval. Pas en voiture. Évidemment, le but, à cette époque, c'était de l'interdire aux motos, parce que le VTT n'avait pas encore été inventé (premiers VTT commercialisés vers 1981). Il y avait, et il y a, de multiples raisons à cette limitation aux jambes ou aux pattes, et je ne vais pas vous faire un discours sur l'expérience quasi mystique que l'on peut ressentir sur un tel parcours, dans la solitude et le silence des déserts ou des forêts. Ni sur l'extrême fragilité du sentier et de son environnement, déjà très malmenés par l'érosion et les intempéries. Les hikers sont déjà nombreux à maugréer contre les chevaux responsables, à leurs yeux, de gros dégâts sur le parcours.



Néanmoins, avec la possible arrivée des riders fous dans le temple sacré des hikers fous, ça commence à sérieusement sentir la poudre. C'est un peu comme si on envisageait de laisser entrer une horde de hooligans supporters du PSG à la salle Gaveau pendant un récital de viole de gambe chère à mon ami Craig, à Hollywood, interprété par son idole Jordi Savall.
Il y a une logique antinomie entre ces deux pratiques et il suffit de jeter un coup d'œil à la vidéo ci-dessous pour vite comprendre les dangers réels que peuvent représenter les Vététistes cinglés pour les hikers qui le sont tout autant, mais à une vitesse nettement moindre. Vous imaginerez sans peine de quel côté penche mon cœur, sans la moindre animosité pour les pratiquants du VTT. J'ai suffisamment pratiqué, moi-même, d'activités farfelues (moto, canyoning, hydrospeed, rafting...) en des temps anciens où mes genoux me permettaient encore ce genre de fantaisies.

Rafting sur la Noguera Pallaresa, en Espagne, avec le raft que nous avions acheté avec deux autres copains.
Une activité très peu appréciée par les pêcheurs devant lesquels il nous arrivait de passer.


On pourrait par ailleurs arguer du fait que les États-Unis sont un pays dans lequel ni la place ni la liberté ne manquent pour la pratique de ce genre de sports (VTT, quad, moto tout-terrain, et j'en passe). Le problème vient de ce que l'IMBA est une organisation forte qui semble bien maîtriser les arcanes du lobbying. Ils sont notamment représentés, semble-t-il, par un avocat retors (les avocats sont généralement soit retors, soit véreux, vous l'aurez remarqué, je n'en doute pas) qui travaille auprès de la Cour Suprême de Californie. En outre, une bonne partie du parcours est gérée par le Forest Service. Et ça craint.
En effet, le Forest Service créé au début du XXe siècle par Gifford Pinchot n'a pas vocation, au contraire du service des parcs nationaux, à protéger l'environnement. Son objectif est de le gérer, c'est-à-dire de l'exploiter dans des conditions qui ne mettent pas en péril sa pérennité. C'est très différent. Le Forest Service donne régulièrement des autorisations d'abattage des forêts qui feraient dresser les cheveux sur la tête du moindre écolo chez nous et l'enverraient en séjour prolongé en maison de repos. Je conçois donc assez bien que dans l'optique particulière du Forest Service, autoriser quelques cinglés lancés comme des V2 sur le PCT ne mettra pas en danger la survie de la forêt. Cela pourrait cependant mettre en péril la survie de l'espèce thru-hiker, du moins ceux qui seront percutés de plein fouet au détour du sentier.
Du côté des hikers, une fois passé le temps de la stupeur et la rage, on commence à s'organiser. Mais c'est drôle, j'ai comme une vague impression que les intérêts économiques en jeu du côté des va-nu-pieds thru-hikers risquent de ne pas faire le poids face à l'IMBA et les intérêts de leurs fabricants de matériel...

Tout ça remet une nouvelle fois en lumière le caractère extrêmement fragile, voire fugace, du Pacific Crest Trail et de l'expérience inouïe qu'il propose. Ce parcours de 4300 km qu'on a réussi à tracer dans une incroyable variété de terrains, de territoires, de propriétés privées, de parcs nationaux, de zones protégées de tous poils, est un miracle, si ce n'est une anomalie historique. Le PCT est l'enfant des hippies, peace and love, buddy. Le rejeton improbable d'une période où l'on croyait encore au progrès et aux vertus du retour de l'homme à la nature. Nous n'en sommes plus là, hélas. De nombreux requins rôdent désormais dans ses eaux de moins en moins cristallines.






jeudi 1 novembre 2012

Privé de désert


Une journée froide et humide d'automne et les pensées qui s'envolent vers le désert brutal et brûlant... Un désert que j'ai pourtant cru détester il y a quelques mois.  Scissors Crossing, désert d'Anza-Borrego. San Felipe Hills à l'horizon.


samedi 27 octobre 2012

Hommage à Jane

Jane est américaine. Elle vit dorénavant en Oregon, après une carrière essentiellement passée à Los Angeles. Jane aime marcher et courir et l'Oregon, c'est parfait pour ça. Elle a couru 50 marathons, entre autres. Elle marche pas mal aussi et a — naturellement — parcouru le Pacific Crest Trail. Jane aime voyager, dans le monde entier. Et marcher. La première chose qu'elle recherche dans un nouveau pays, ce sont les randonnées qu'elle peut y faire. Pour marcher.
Il y a quelque temps, j'étais entré en contact avec Jane qui recherchait des compagnons pour parcourir le sentier de Saint Jacques de Compostelle, depuis Saint Jean Pied de Port, dans les Pyrénées. 800 kilomètres de marche. Je lui avais aussitôt proposé d'être son trail angel, quand elle viendrait. Son arrivée a été retardée, parce qu'elle avait fait une chute et s'était fracturé le col du fémur. Mais ça ne l'a pas dissuadée de parcourir ses 800 km, non, non. Elle est finalement venue, seule, avec son petit sac à dos, parce qu'elle n'a trouvé personne pour l'accompagner dans sa marche.
J'ai accompagné Jane au départ à St Jean Pied de Port, au début du mois de septembre. Il faisait une chaleur torride. Elle vient d'arriver à Santiago dans le froid et la pluie d'un début d'hiver et a pu assister à la messe dominicale où huit solides gaillards balancent l'incroyable encensoir géant, le Botafumeiro, dans la nef. Ça a dû lui laisser des souvenirs inoubliables, à Jane, parce qu'elle devait à ce moment-là se sentir bien loin de Eugene, Oregon. Elle ne s'est pas arrêtée à Santiago, non, non. Elle a voulu continuer jusqu'au Cap Finisterre, contempler l'océan qui se fracasse sur cette pointe extrême de l'Europe et voir si elle apercevait son pays à l'horizon. Jane devrait être de retour chez nous aujourd'hui.
Jane a juste 76 ans.


Comment ne pas faire un rapprochement entre Jane et le personnage principal - lui aussi américain — de ce beau film, The Way, consacré au parcours exact qu'elle vient de suivre? Je vous le recommande.


jeudi 25 octobre 2012

Une sorte d'obsession

J'ai échoué dans ma tentative de parcourir le Pacific Crest Trail cette année. J'ai commis un certain nombre d'erreurs et, en ce sens, le terme d'échec est à relativiser, parce que j'ai aussi beaucoup appris. Au-delà de mes erreurs techniques (trop de poids, manque d'entraînement, pour mentionner les principales, mais c'est déjà beaucoup), j'ai été mis hors de combat par mes genoux (hiboux, cailloux, bref, vous savez...).

Je suis rentré en France avec la ferme intention initiale de repartir sur le PCT en 2013. Les investigations médicales qui ont suivi ont tristement établi que, tout bêtement, mes articulations étaient usées. Point. J'ai entendu parler d'un truc que j'ignorais totalement: mes tibias souffrent de contusions osseuses. Autrement dit, ils ont pris une branlée et sont couverts d'ecchymoses, ce que je soupçonnais tout de même pendant que je marchais dans le désert d'Anza-Borrego. La solution à ce problème? Eh bien, il n'y en a pas vraiment, dans la mesure où l'échange standard façon amortisseurs à remplacer s'appelle une prothèse de genou. C'est une procédure lourde et compliquée, qui n'a pas vraiment pour finalité de vous permettre d'aller faire le con dans le désert. Donc, qu'est-ce qu'on fait? On se dit juste que c'est comme ça, que c'est usé, que la machine a pas mal d'heures de vol, qu'il faut en prendre son parti, qu'il conviendrait de la mettre sous une bâche au garage, de s'inscrire dans un club de pétanque...

Depuis le mois de mai, beaucoup de pensées se sont entrechoquées dans ma pauvre tête. J'ai fini par accepter l'idée douloureuse que l'état de délabrement de mon organisme (dont je connais tout de même une partie des causes) ne me permet plus d'envisager un parcours complet du Pacific Crest Trail. J'ai même essayé de trouver d'autres projets, des trucs raisonnables genre la traversée des Pyrénées.
Mais on a beau faire, on a beau dire, le naturel fait ce pour quoi il a été conçu, il revient au galop. Bon, OK, je ne peux pas raisonnablement penser à une nouvelle tentative de thru-hike. Mais... une partie, alors? Un section hike, comme disent les indigènes?
Ah, ah, ça, peut-être, on pourrait y réfléchir. Et quelle section alors, dans cette hypothèse? Eh bien, c'est là qu'on perçoit que je dois avoir un petit problème mental, en supplément des problèmes articulaires: ce qui me fait envie, vraiment envie, ce serait de me retrouver au début du mois d'avril au monument de Campo, à la frontière mexicaine, et de parcourir la totalité du désert (des déserts, techniquement parlant) jusqu'à la Sierra Nevada, à Kennedy Meadows. 1200 km, Près de deux mois de marche. C'est moyennement surprenant: j'ai toujours été fasciné par les déserts et je suis un inconditionnel de Théodore Monod. Dans un désert, on est très loin, très, très loin de notre environnement habituel. Et genoux ou pas genoux, j'ai besoin de rêver. C'est une question de survie.

Cependant, je rappelle, et je me rappelle bien, que j'ai trouvé l'expérience de la marche dans le désert torride extrêmement difficile*, et le problème du manque constant d'eau très stressant. Alors???
Alors, le temps qui passe me fait mesurer à quel point c'était une expérience inoubliable, que j'ai envie de revivre dans de meilleures conditions, et dans son intégralité. J'ai également envie, très envie, de revoir Louise fouiller dans son portefeuille tout en conduisant, près de Warner Springs, j'ai envie de revoir Donna à Agua Dulce, envie de me goinfrer à Paradise Café, envie de refaire l'épouvantable descente brûlante vers Nance Canyon, au bord du malaise tellement il faisait chaud, j'ai envie de revoir Terri Anderson me montrer ses fesses à Casa De Luna la bien nommée, envie de me retrouver dans la Vallée de Chihuahua chez Mike Herrera, envie de rencontrer tous les dingues furieux que ce parcours attire comme un aimant, ces "cinglés qui brûlent la vie comme une chandelle romaine" dont parlait Jack Kerouac.
Donc, cette idée s'insinue peu à peu dans mon esprit, et j'ai déjà vérifié le prix du billet d'avion pour Los Angeles le 1er avril 2013.

L'état de mes genoux ne s'améliorera pas. En revanche, je pourrais utiliser mon expérience pour alléger au maximum mon sac, mieux me préparer physiquement, mieux gérer la question de l'eau (quoique, sur ce point, j'ai quelques doutes). Les semaines qui viennent vont probablement clarifier la situation et vous indiquer s'il y aura une suite à ce blog interrompu.

Allo, Docteur? J'ai passé du temps dans un désert calciné au printemps dernier, à me demander ce que je foutais là, à me demander pourquoi je m'infligeais de telles souffrances. La vision de mon œil droit en a pris un sérieux coup et on a établi que c'était une conséquence directe de la déshydratation dans le désert. Et je n'ai actuellement envie que d'une chose: y repartir. C'est grave, Docteur?


* Consulter, pour mémoire, le billet du 17 avril: Third Gate Cache.

Aux antipodes du désert d'Anza-Borrego: Pyrénées, octobre 2012.



Aux antipodes des Pyrénées, aux antipodes de ma vie: San Felipe Hills, désert d'Anza-Borrego, avril 2012:





mercredi 15 août 2012

AsABat

Le parcours du Pacific Crest Trail est largement rendu, sinon possible, du moins relativement aisé, par la solidarité qui s'y exerce et par les contributions généreuses de quelques individus dévoués et désintéressés. Comme vous le savez, Halfmile, qui fournit la cartographie, en est un exemple éminent. Mais il y a aussi AsABat. Depuis plusieurs années, AsABat collationne et diffuse toutes les informations en temps réel sur le moindre point d'eau de Californie du sud. Son "Water Report" est un outil indispensable, qui vous informe de l'état du moindre suintement boueux dans le désert du Mojave, ou de l'état de fermentation des souris dans les citernes de celui d'Anza-Borrego. Il doit être très difficile de trouver un hiker qui n'a pas son water report sur lui, dans tout le sud de la Californie.

C'est un jour très triste pour la communauté du Pacific Crest Trail, un jour très triste pour moi, qui ne le connaissais pourtant pas. AsABat, William Jeffrey à la ville, vient de mourir sur le Pacific Crest Trail, en Oregon, à 54 ans.




"No man is an iland, intire of it selfe: every man is a peece of the Continent, a part of the maine; if a Clod bee washed away by the Sea, Europe is the lesse, as well as if a Promonterie were, as well as if a Mannor of thy friends or of thine owne were: any mans death diminishes me, because I am involved in Mankinde; and therefore never send to know for whom the bell tolls; it tolls for thee."


Aucun homme n'est une île, autonome. Chaque homme est un morceau du continent, une partie de la terre ferme; si une motte de terre est emportée par la mer, l'Europe en est diminuée, comme elle le serait si c'était un promontoire, tout comme s'il s'agissait de la maison d'un de tes amis ou de la tienne: la mort de tout être me diminue, parce que je fais partie de l'Humanité. En conséquence, ne demande jamais pour qui sonne le glas: il sonne pour toi.

John Donne, poète anglais, 1572-1631

mercredi 30 mai 2012

30 mai Poodle Dog, retenez bien ce nom


Dans la mesure où je peux imaginer que les futurs aspirants thru-hikers français pourraient malencontreusement tomber sur ce blog, il me paraît utile de leur apporter des informations supplémentaires sur le très redoutable "Poodledog Bush", le buisson du caniche (!), cette plante vénéneuse omniprésente sur le PCT, qui fait des ravages. 
Cam Honan, le randonneur cinglé qui parcourt 60 km par jour, vient d'en être victime, gravement. Rien de tel qu'un exemple concret pour bien jauger ce que je disais à propos de cette charmante plante. Je vous traduis donc son journal, reproduit ci-dessous...





"Je me suis traîné jusqu'à Kennedy Meadows, les derniers 12 miles m'ont péniblement pris 7 heures (un tel tronçon ne devrait normalement prendre que 3 heures, avec la promesse de nourriture chaude et de glace Ben & Jerry's au bout du sentier). Il était temps de consulter un médecin. Heureusement, j'ai pu être emmené rapidement jusqu'à la ville de Ridgecrest, grâce à un couple de merveilleux habitants de l'Oregon, Judy et Dan, que j'avais déjà rencontrés juste après Mt Laguna le 2e jour.
En arrivant à destination, j'ai pris une chambre d'hôtel, une douche bien nécessaire, j'ai acheté des vêtements propres dans une friperie, et je suis parti à l'hôpital. En résumé, on m'a tout de suite fait une piqûre de stéroïdes, et ordonné un régime à base de cortisone, antihistaminiques, et repos, les jambes en l'air.


Notes concernant mon expérience avec le Poodledog Bush:
• Certains symptômes mineurs étaient évidents au bout de 24 heures. Cependant, les choses ne sont devenues vraiment désagréables qu'après 4 à 5 jours.
• Ce ne sont pas tant les démangeaisons (auxquelles on peut se faire) que l'œdème qui est devenu le problème principal.
• Une fois que l'irritation est carrément apparue le 4e/5e jour, elle s'est rapidement répandue à la fois vers les pieds, et vers le haut jusqu'à la poitrine et le cou. Ceci bien que j'aie régulièrement lavé mes chaussettes, mon short et ma chemise.
• Ma décision de laisser les choses suivre leur cours et de retarder la consultation d'un médecin provient de mon stoïcisme et mon entêtement (qui remonte à mes ancêtres bagnards irlandais), plutôt qu'à une analyse objective. Mon conseil à mes camarades randonneurs qui sont sérieusement atteints par le Poodledog Bush est de rechercher un médecin aussi vite que possible pour l'éradiquer avant que l'irritation n'ait le temps de se répandre.

Allongé sur mon lit d'hôtel, je ne peux m'empêcher de sourire avec ironie de ma situation actuelle. En quelques deux décennies de randonnée dans le monde entier, j'ai été en contact avec des grizzlies, des serpents venimeux, des chiens enragés, des bandits mexicains armés et des rapides furieux. Qui aurait pu imaginer que je sois mis hors de combat par une plante d'aspect anodin du nom de "Caniche"? Ils auraient au moins pu l'appeler "Pit Bull" ou "Rottweiler"!"


Shuffled into Kennedy Meadows, the final twelve miles taking a painfully slow seven hours (such a stretch would normally take around three hours with the promise of hot food and Ben & Jerry’s at trail’s end). The time had come to seek medical attention. Fortunately I was able to quickly procure a ride to the town of Ridgecrest, courtesy of a couple of wonderful Oregonians by the names of Judy and Dan (?), whom I had previously met just after Mt. Laguna on the second day of the PCT.
Upon gaining my destination, I checked into a motel, had a long-overdue shower, bought a spare set of clean (sort of) clothes from the Thrift Store and finally headed to the hospital. To cut a long story short, I was given an immeditate steroid shot, then prescribed a steady diet of Prednizone, antihistamines, elevation and rest.
Notes in regards to my experience with Poodle Bush:
  • Some minor symptoms were evident after 24 hours, however, things didn’t really become uncomfortable until some four or five days after contagion.
  • It wasn’t so much the itching (which can be tuned out) as the swelling which turned out to be the major issue.
  • Once the rash emerged in ernest on the fourth/fifth day, it spread quickly both downwards to my feet and upwards to my chest and neck. This was despite the fact that I cleaned my socks, shorts and shirt regularly.
  • My decision to let it “run its course” and delay medical attention was made out of stoicism and stubborness (goes back to my Irish convict heritage), rather than objectivitiy. My advice to fellow hikers who are exposed in a big way to Poodle Bush, is to get themselves to a doctor sooner rather than later and knock it on its head before it has a chance to really spread.
Lying in my motel bed I couldn’t help but have an ironic chuckle in regards to my present situation. In some two decades of hiking around the globe, I have had close encounters with grizzlies, King Browns, rabid dogs, gun-toting Mexican bandits and roaring rapids. Who would have thought that I would finally be put out of action by an innocuous sounding plant by the name of ‘Poodle Dog’. I mean, really, it at least could have been called ‘Pit Bull’ or ‘Rottweiler’ bush! 


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samedi 26 mai 2012

26 mai À vendre, matériel de randonnée



"Late start at 7.50am, but hiked steadily throughout the day. Not a great campsite just up from Long Creek, but by 8pm my lack of sleep over the past week had caught up with me, and I was feeling wearier than an oarsman on a Roman slave ship during a heated maritime engagement."

"Départ tardif à 7 h 50, mais j'ai marché d'un bon pas toute la journée. Campement pas terrible un peu au-dessus de Long Creek, mais vers 20 heures j'ai été rattrapé par mon manque de sommeil depuis une semaine, et je ressentais une lassitude plus grande que celle d'un esclave dans une galère romaine pendant une bataille navale."






Voilà le premier compte-rendu d'un hiker qui a démarré à Campo le 9 mai. Au-delà de l'image curieuse, il faut préciser qu'il avait de quoi éprouver une certaine lassitude. Cam a en effet parcouru 61 kilomètres le premier jour. Pour ma part, comme pour Alaska, Justin, Southern, il nous a fallu un jour et demi pour parvenir à Lake Morena, 32 km. Ensuite, au prix d'un très gros effort, je suis arrivé à Mt Laguna en une seule journée, ce que peu de mes petits camarades ont pu faire. Et j'étais alors à 69 km du départ à Campo. Trois journées d'efforts, et voilà que je lis le blog d'un type qui a couvert 61 km en une seule journée (en partant tard!) et qui se plaint de sa lassitude... Ça vous fout un sacré coup au moral, non?
D'autant que Cam, qui est le randonneur que Steve a rencontré à Kennedy Meadows, couvert de pustules à cause d'une fréquentation malencontreuse de poodledog bush*, ne s'est pas arrêté là. Le deuxième jour, il est arrivé à Scissors Crossing, soit 63 km. Le troisième jour, il a un peu accéléré et franchi 65,2 km. Le quatrième jour, il a dû éprouver un peu de lassitude et n'a couvert que 56 km. Lamentable. Et ainsi de suite. C'est bien simple: il a rejoint Steve à Kennedy Meadows, alors que celui-ci était parti plus d'un mois auparavant.


En réalité, Cam, australien, est un dingue chez les dingues. Il a déjà parcouru un nombre invraisemblable de sentiers longue distance, dans le monde entier, et son projet actuel est d'en parcourir 12 à la suite, dont le Pacific Crest Trail. Soit 24 000 kilomètres, qu'il estime pouvoir abattre en 17 à 18 mois. Le plus effrayant, peut-être, est de prendre conscience que s'il marche tous les jours et parcourt 60 kilomètres par jour, il ne lui faudra que 71 jours pour atteindre le Canada. À peine plus de deux mois. Mais ce n'est même pas ça qui est le plus impressionnant: c'est qu'à ce rythme, il ne battra quand même pas le record de Scott Williamson, de 64 jours! Il y a quelques années, le PCT a été parcouru en courant par Dave Horton. Stupéfiant. Plus stupéfiant encore, même en courant, Dave Horton n'a, lui non plus, pas battu le record de Scott Williamson. En cette année olympique, tout ça donne à réfléchir. Les performances les plus sidérantes ne sont pas toutes accomplies dans un stade.


Si vous n'êtes pas rebuté par l'Anglais, je vous encourage à jeter un coup d'œil au site de Cam, The Hiking Life. Il est riche d'informations et de conseils, même si on se trouve là à des niveaux stratosphériques un peu déprimants. Cam y donne en particulier les détails de son équipement, avec un sac qui pèse 3 à 4 kg, dit-il, auxquels il accepte d'ajouter 1 à 2 kg de matériel supplémentaire pour l'hiver ou la neige. Je dois avouer que ma propre pitoyable expérience me fait contempler avec un regard neuf les choix de Cam en qui concerne les "Big Three", tente, sac de couchage, sac.


* Cam a mis sur cette page de son blog des photos des effets du poodledog. Euh, ça fait un peu peste bubonique dernier stade...


Ah, j'oubliais. Cam Honan a déjà parcouru le Pacific Crest Trail en 2007...






"On July 2, 2011, I set off from Cape Alava, Washington, on the first of what I planned would be 12 long walks through North America. As of the end of April, 2012, I am nine hikes and seven thousand miles into my journey. Assuming I have any cartilage left in my knees, I hope to be finished by Christmas this year. If you are interested in following along, you can check out my blog at www.thehikinglife.com/journal/"


"Le 2 juillet 2011, je suis parti de Cape Alava, dans l'État de Washington, pour la première des 12 longues marches que je projette de faire en Amérique du Nord. À la fin d'avril 2012, j'en suis à neuf parcours et 7000 miles. S'il me reste encore des cartilages dans les genoux, j'espère finir pour Noël de cette année. Si vous êtes intéressé de me suivre, consultez mon blog: www.thehikinglife.com/journal.

vendredi 25 mai 2012

25 mai Nouvelles du front


Quelques nouvelles des hikers dont je suis — ou essaie de suivre — le parcours. Toujours rien en ce qui concerne Alaska, et j'avoue que ça me préoccupe de plus en plus. J'ai envoyé un message au forum du PCT, et à Donna, à Agua Dulce. Steve, lui, est arrivé à Kennedy Meadows. Il en a terminé avec le désert (pas avec la soif, il y a des secteurs au moins aussi arides en Californie du nord) et attaque en ce moment même la Sierra Nevada. Il vient de m'écrire, et me raconte qu'il a rencontré un hiker très sérieusement touché par le poodledog, qu'il a dû emmener chez un médecin. Ce dingue-là est en chemin pour parcourir... 24 000 kilomètres en 18 mois. J'attends des explications plus précises, si Steve veut bien me les donner. Si vous n'avez pas déjà pris votre calculette, ça représente 44 km par jour, sans le moindre arrêt. Tous les jours, pendant 18 mois. Euh... Je comprends mieux, pour le poodledog: je doute qu'à un tel rythme, il ait pris la peine de jouer à la marelle pour l'éviter. J'aimerais bien avoir des détails, mais Steve utilise un iPhone avec lequel il est fâché, et je crains qu'il n'ait guère envie d'écrire de longs textes, façon Big Shot. Je n'ai pas eu de nouvelles récentes de Gourmet, en revanche.
Au moins deux des randonneurs auxquels je m'intéresse viennent d'abandonner sur blessures diverses, dont le très répandu "shin splints", la périostite tibiale, une inflammation très douloureuse au niveau du tibia.

Mais ce qui m'a particulièrement intéressé, c'est ce passage du blog de Mike et Jesse, qui viennent d'arriver à Wrightwood, par le redoutable Acorn Trail que j'ai moi-même emprunté et où j'avais eu la surprise de trouver des traces de VTT. Bref, je peux imaginer que certains se demandent si je n'exagérais pas un peu en évoquant sans cesse la gentillesse américaine (Anne-Marie me disait qu'il devait bien y avoir des méchants quelque part... Oui, Anne-Marie, il y en a aussi.), et je vais me faire un plaisir de traduire ce qu'écrivent Mike et Jesse. Un exemple, un de plus, de ce que peut vous réserver le Pacific Crest Trail. C'est toujours utile de recouper les informations, non?

"Après être descendus vers le village par l'abrupt Acorn Trail, nous sommes partis chercher des sucreries et des boissons fraîches. La quincaillerie disposait d'une liste de trail angels qui offrent des lits, la lessive, internet, ou des trajets en voiture. Juste au moment où nous commencions à passer quelques coups de fil pour trouver un logement pour la nuit, un monsieur s'est arrêté devant nous, devant l'épicerie, s'est présenté comme étant Jeff, et nous a offert un toit pour la nuit. Nous avons bien vite accepté et nous sommes montés dans sa voiture pour le court trajet d'un peu plus d'un kilomètre jusqu'à sa maison. Jeff nous a montré notre logement, une douillette petite chambre au-dessus du garage, nous a fait faire le tour de sa maison et nous a dit de nous servir de tout ce dont nous avions besoin. Nous avons bavardé un moment et peu après, il est parti pour la remise de diplôme de son fils, en nous disant que les clefs du pick-up qui se trouvait dans l'allée étaient sur le tableau de bord, et que nous pouvions l'emprunter pour aller en ville si nous le souhaitions. Je dois avoir l'air d'un disque rayé, mais une fois de plus nous avons été soufflés par sa fantastique gentillesse."


Blog de Mike et Jesse, 24 mai:

After hiking down the steep Acorn Trail into town we set about getting some candy, and cold drinks.  The hardware store had a list of Trail Angels who offer beds, laundry, internet, rides etc. etc.  Just as we were about to start making some calls to try and find a home for the night a gentleman pulled up to us in front of the grocery store, introduced himself as Jeff and offered us a roof for the night.  We promptly accepted and hopped in the car for a short mile ride down the highway to his place.  Jeff showed us to our quarters, a cosy little room above his garage, gave a tour of his house and told us to help ourselves to whatever.  We chatted a bit and shortly afterwards he took off for his sons graduation ceremony telling us as he left that the old white pickup in the driveway has the keys in it and feel free to take it into town should we need to.  I probably sound like a broken record but once again we were all blown away by his tremendous kindness.






Les blogs que je suis:


Alaska: http://www.danswalk.net/


Steve: http://www.trailjournals.com/entry.cfm?trailname=13383


Alex: http://headnorth2012.blogspot.fr/


Seth & Kristin: http://papasierras.blogspot.fr/


Natalie, Erin & Collin: http://bearingnorthpct2012.blogspot.fr/


Castle: http://castleonthepct.blogspot.fr/


Russ: http://russmease.blogspot.fr/


Mike & Jesse: http://nogatheringmoss.blogspot.fr/


Skyehiker: http://skyehiker.blogspot.fr/




Barrel cactus.

mercredi 23 mai 2012

23 mai Il reste 10 mois...


Pour moi, le compte à rebours a commencé. Je veux repartir sur le Pacific Crest Trail, et tout reprendre au début, en évitant de renouveler les deux énormes erreurs de (faux) débutant que j'ai commises: être trop chargé, et pas assez entraîné. Pas besoin de faire des décennies de montagne pour deviner ça, et pourtant... Bon, en tout cas, ça confirmerait qu'il n'est jamais trop tard pour apprendre. Ou alors, qu'on ne tire jamais les bonnes leçons, selon le point de vue.

Je suis, bien évidemment, les aventures de ceux qui sont actuellement sur le Pacific Crest Trail dont je connais les blogs. En tout premier lieu, je suis franchement inquiet concernant Alaska, dont le blog s'est interrompu le 8 mai, à la suite d'une sérieuse infection, et qui n'a plus donné signe de vie depuis. Je lui ai écrit à deux reprises, mais je n'ai eu aucune réponse.
Steve, lui, fait actuellement une (longue) pause non loin de la fin du Mojave, avant d'atteindre Kennedy Meadows et la Sierra Nevada. Mais je lis aussi un certain nombre d'autres blogs et ce qui me chagrine, c'est le sentiment que la plupart d'entre eux ne rendent pas bien compte de la difficulté du parcours. Non que je pense qu'il faille à tout prix geindre sur son sort, mais je me suis efforcé pour ma part de partager mes états d'âme, tels que je les ressentais.
Steve, par exemple, n'est visiblement pas un maniaque de l'écriture et son journal est rédigé en style quasi télégraphique. J'ai le sentiment qu'il faut avoir été là-bas pour deviner entre les lignes les souffrances tacites. Voici ce qu'écrit Steve pour la journée du 17 mai, dans le Mojave:

"[…] Used Lenny's rule - don't stop. Pack was killing my shoulders and back but didn't stop. Made it to Walker camp ground about 1630 hrs. Sat with Neil who was having lunch. Was a hard press for me, especially starting out from the 631 cache. A quote from a previous hiker "Punch that hill in the face" but last part was nice easy walk in to Walker camp ground. Andy, Neil and I discussed that of all the forest we have hiked through in So Cal about 70% has been burned. For those who think that we need fires for new growth - maybe they should colonize the moon where there are no trees and nothing but sun. The last 50 or so miles to Walker Pass is every bit of desert that coming out of Hiker Town is.[…]"


"Adopté la règle de Lenny: on s'arrête pas. Sac me détruisait les épaules et le dos, mais pas d'arrêt. Arrivé à Walker camp vers 16 h 30. Pause avec Neil qui déjeunait. Il a vraiment fallu forcer pour moi, surtout en partant de la cache au mile 631. Un hiker avait écrit: "Cassez-lui la gueule, à cette montagne", mais la fin était plutôt facile à l'approche de Walker camp. Andy, Neil et moi avons discuté de toute la forêt traversée en Californie du sud, brûlée à 70%. Pour ceux qui pensent qu'on a besoin d'incendies pour stimuler la repousse, ils devraient peut-être partir coloniser la lune où il n'y a pas d'arbres, seulement du soleil. Les derniers 80 km vers Walker Pass, c'était du désert aussi aride qu'à la sortie de Hiker Town."



Et je finissais par me demander si j'étais vraiment le seul à juger que le PCT est une épreuve plutôt redoutable et à tenter de l'exprimer. Mais je viens de tomber sur le blog de Noah Strycker, qui a parcouru le PCT en 2011. Et voici ce qu'il écrit à propos de l'étape de Rodriguez Spur, dans le désert d'Anza-Borrego, à la fin de laquelle j'ai moi-même subi une rude chute de moral. Ce n'est pas charitable, sans doute, mais lire ce qui suit m'a... rassuré, en quelque sorte. D'autant que Noah n'est pas réellement du genre amateur: il a bouclé le PCT en moins de quatre mois.


Noah Strycker:

22 mai 2011, L'impitoyable désert

"De loin ma journée la plus difficile jusqu'à présent. Le sentier serpentait au travers de collines arides dans le monumental désert d'Anza-Borrego. Un grand huit sinueux qui s'enfonçait de plus en plus profondément dans un désert sans pitié. Je n'ai vu personne, ni le moindre arbre, jusqu'au milieu de l'après-midi, heure à laquelle le soleil brûlant était un marteau-piqueur suspendu au-dessus de mon moral. Le marteau m'est tombé dessus quelque part au milieu d'un tronçon de 11 km de montées et de descentes incompréhensibles, et j'ai passé le reste de l'après-midi d'humeur très sombre.

Je pense que ce parcours est beaucoup plus dur moralement que physiquement, en particulier quand on le fait seul. Mon père m'a rejoint à la fin de la journée et nous passons la nuit dans un motel voisin, à Borrego Springs, ce qui m'a aidé (il va rester dans le coin pour me rejoindre à Warner Springs après-demain). Et j'ai couvert 21 miles difficiles aujourd'hui — j'espère que ça deviendra plus facile en progressant vers le nord!"


La photo ci-dessus est celle de la citerne à souris marinées de Rodriguez Spur.







Désert d'Anza-Borrego.

Près de Rodriguez Spur.