jeudi 10 mai 2012

10 mai Game Over

Et voilà, j'abandonne... pour cette année. Je peux à peine marcher, en boitant, et je dois me prendre la jambe à deux mains pour la déplacer. Y a pas à dire, si vous voulez tester vos articulations, le Pacific Crest Trail est un terrain parfait.

Terrie et Joe partaient hier soir voir un match de baseball opposant l'équipe de Los Angeles, les Dodgers,  à leurs meilleurs ennemis, les Giants de San Francisco. Ces matches se jouent par séries de trois: on en est à un match pour chacun, hier soir était le troisième. Suspense insoutenable. (Dernière minute: les Dodgers ont gagné. Joe doit être heureux, il a un tatouage des Dodgers sur la jambe.)
On appelle Rob à la rescousse, qui me dit qu'il faudrait sans doute qu'il ait un tonnelet de brandy autour du cou. Oui, certainement... Et Terrie et Joe m'emmènent vers la gare centrale de Los Angeles, Union Station, où Rob vient de son côté me récupérer. Le trajet est vraiment typé Los Angeles, Joe au volant et Terrie en train de consulter son iPhone pour avoir les infos sur la circulation sur les freeways, tout en alternant à la radio entre les commentaires du match qui vient de commencer et inforoute ("Plus que 27 miles, le score est de 2 à 1"...). C'est le stress. On a du bol, dans l'autre direction toutes les voies sont à l'arrêt.
En arrivant à la gare, j'appelle Rob sur son portable pour lui dire que je suis bien arrivé devant Union Station. Il me répond que c'est une bonne chose, et... je le vois sortir de la gare son téléphone à l'oreille.

Voilà, retour à la case départ. Ou presque.
La grande question qui se posait au départ était de savoir ce que je cherchais en prenant la décision de partir sur le Pacific Crest Trail. Je n'ai toujours pas cette réponse. Mais je sais ce que j'ai trouvé, et ce n'est certainement pas ce à quoi je m'attendais. Ou plutôt, c'est bien au-delà de tout ce que je pouvais imaginer. Et pourtant, je crois bien connaître les Américains. J'ai trouvé des êtres humains exceptionnels, "unusual people", comme disait Joe Anderson, des gens hors normes. J'ai trouvé une générosité qui vous met les larmes aux yeux. J'ai trouvé la solidarité. J'ai trouvé la gentillesse. J'ai trouvé une humanité comme celle dont on rêve.

Le Pacific Crest Trail est évidemment un formidable défi physique. Mon genou flingué pourrait vous en parler longuement. Il a rappelé son ambassadeur et nous ne nous parlons plus. Mais c'est avant tout une fantastique aventure humaine. C'est tout le paradoxe. Vous pensez partir dans le désert, au milieu de nulle part, et vous ne cessez de faire de merveilleuses rencontres, inoubliables. Mon carnet d'adresses s'est déjà sérieusement enrichi. Alors, si j'étais parvenu au Canada...
Les êtres humains, bien plus que les paysages, voilà ce qui m'aura marqué. J'espère que ça s'est vu dans ce blog que je vous remercie d'avoir pris la peine de lire. Justin, Southern, Bone Lady, Swiss Cheese, Running Wolf, Hot Wing, Penn-J, Alaska, Drew, Gourmet, Steve, Charlie, Wolfe, Heart, Francis, Double 0, Oops, Wolverine, Copernicus, Andy, Nick, voilà les noms — parfois rocambolesques — que j'ai en tête, sans avoir eu besoin de consulter mon journal pour les retrouver. Sans oublier — comment pourrait-on? — tous ceux qui vous apportent une aide totalement désintéressée, vous ouvrent leur cœur immense. Le Pacific Crest Trail est une expérience qui vous vieillit physiquement, mais vous rajeunit mentalement. Un phénoménal bain de jouvence, si d'aventure vous doutiez de l'humanité.

À titre personnel, comme l'avait prédit Jean-Michel, qui a parcouru le PCT en 2009, je suis déjà hanté par les fantastiques souvenirs. Il m'est désormais impossible de tourner la page. Je veux continuer cette remarquable aventure. Ça me démange violemment, comme si j'avais fumé du poodledog. Je suis, c'est sûr, accro au PCT, et je vais, par tous les moyens, chercher à revenir. Je dispose d'une formidable motivation pour essayer de soigner ce genou. Et je dispose aussi de l'expérience, je sais maintenant mieux comment aborder ce problème complexe, au plan physique autant que matériel.
Ce blog s'interrompt aujourd'hui. J'ai pris beaucoup de plaisir à l'écrire, et j'espère que vous en avez eu à le lire. Mais je n'écris pas le mot "fin". J'espère de toutes mes forces pouvoir le reprendre dans un an.

Dans l'immédiat, Richard vient de m'écrire pour m'inviter à revenir à Palm Springs pour aller faire la fête avec eux. C'est un programme qui a mes faveurs... Je ne sais pas si le vin californien ou la bière mexicaine sont bons pour les genoux, mais ils le sont à coup sûr pour le moral.

Je vous embrasse tous, ou vous fais un énorme hug à la Terrie Anderson, c'est au choix.

Mr. Big Shot

Casa de Luna: les photos de fesses de hikers, et la collection de bandanas qui servent à faciliter le stop ("Vers le sentier", ou "Vers la ville"). J'ai le mien...
À suivre...

8 commentaires:

  1. Courage Phiphi, j'imagine que ça ne doit pas être simple actuellement mais je sais que tu y retourneras pour aller jusqu'au bout. Bises.

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  2. C'est dommage d'abord pour toi et puis aussi un peu pour nous, tu nous à fait voir le américain sous un autre visage. J'ai regardé hier soir Une histoire vrai de D Linch et je l'ai vu avec un autre oeil pour tout cela et pour le reste merci , tu m'as donné envi de partir;la retraite et je pars. (un an à attendre)

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    1. Merci de ce message. On pourrait alors avoir à échanger, voire s'y retrouver l'an prochain!
      Comme je ne sais pas qui tu es: philippe.gouvet@gmail.com

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    2. Encore un mot, ou plusieurs... (oui, je sais à quel point je suis bavard). J'ai rapidement répondu ci-dessus à ton message, sur mon iPhone, assis dans un Starbucks à siroter un café glacé, tout en répondant à un inconnu, qui s'interrogeait sur les élections en France...
      Je voulais tout de même ajouter que me dire que je vous ai fait voir les Américains sous un autre visage est un des plus beaux compliments qu'on puisse me faire. Je sais bien que nous avons généralement un regard déformé par la télévision, la politique étrangère, et diverses formes de caricatures. Mais, je pense l'avoir démontré, les Américains valent beaucoup, beaucoup mieux que ça.
      C'est sûr, je préfère Terrie Anderson et sa coiffure iroquois à Bush fils.
      À propos, nous avons la réputation chez eux d'être des snobinards arrogants. Mais au-delà de toutes ces caricatures, je pense sérieusement que nous avons des progrès à faire en matière de gentillesse et de générosité, de considération pour les autres. C'est bien simple: je peux à peine marcher, mais je n'ai vraiment pas envie de rentrer en France, tant je trouve la vie plus douce et plus légère ici. Sans angélisme.

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    3. Encore un mot! "Une histoire vraie"... Génial. Et émouvant.

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  3. Je suis un peu triste que l'histoire s'arrête là. J'ai pris connaissance avec avidité du contenu de ton blog (le plus riche et le plus complet sur le sujet à ma connaissance et qui sera donc d'une grande aide pour les prochains qui se lanceront dans cette superbe aventure). Cependant, tu nous a démontré de façon exemplaire que la réussite d'un projet ne se mesure pas seulement au résultat final. Bravo et respect. Tiens nous au courant de la suite...
    SheikOlivier (mon trailname en 2008 - bandana orange)

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    1. Merci de ce beau compliment. J'en avais besoin, pour le moral. Quoique, je m'accroche à l'idée qu'un bon chirurgien saura me rajeunir... Et comme me le disait Rob, "tu es encore trop excité pour être déprimé".

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  4. Zavez raison, restez encore un peu chez les gentils, les français n'ont pas changé en 2 mois... Pire depuis les élections on n'entend que 'je suis inquiet pour l'avenir"....
    Moi je voudrais bien revoir des photos de ce fameux lac tahoe que j'ai raté, sous la neige... j'dis ça, j'dis rien hein ...bise
    audrey

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