samedi 12 mai 2012

12 mai Wolverines of the PCT

Amis cinglés, bonjour. Je ne suis pas encore rentré en France, mais je peux d'ores et déjà vous annoncer officiellement que je serai au départ, à la frontière mexicaine, en avril 2013. Naturellement, cet engagement repose sur un petit paramètre que je ne maîtrise pas totalement: la capacité pour un chirurgien à me redonner des genoux opérationnels... Le reste, je m'en charge.

Je voulais aujourd'hui évoquer un des aspects qui rendent le PCT magique, les trail angels. Ces êtres humains rares, qui sacrifient leur confort et leur argent pour accueillir, année après année, les dizaines, voire les centaines, de tarés malodorants qui passent leur porte. Seize ans d'activité pour les Saufley, à Agua Dulce, treize ans pour les Anderson, à Casa de Luna, pour ne mentionner que ceux que j'ai rencontrés. Quand j'ai évoqué le problème du financement de ces opérations avec Terrie Anderson, elle m'a répondu: "Oh, l'an dernier, on s'y est à peu près retrouvés". À peu près, seulement? Pouvez-vous, pouvons-nous, seulement imaginer ce dont il s'agit, là? Mettre entre parenthèses sa vie pendant deux mois, chaque année, accueillir chez soi littéralement des centaines de types et mettre tout en œuvre pour les aider? Douche, lessive, logement, nourriture, courrier, transport, et j'en passe. C'est proprement incroyable.
Mais sans les trail angels, comme me l'a écrit Jackass, le Pacific Crest Trail redevient un chemin de terre au milieu de nulle part ("just another line in the dirt"). 

J'ai évoqué, il y a quelques semaines, ou quelques mois, je ne sais plus, le problème de la machine à laver de Donna Saufley. Donna, pour ne prendre que cet exemple, lave le linge de tous les hikers qui arrivent chez elle. Cela représente plusieurs machines par jour, des centaines par saison. Laver le linge, c'est bien évidemment aussi de l'eau et de l'électricité. Mais la machine de Donna était à l'agonie. Et Jackass, un des hikers (Jason Moores), a eu la brillante idée de vouloir rendre aux trail angels un tout petit peu de l'immense générosité et solidarité dont ils font preuve auprès des hikers. Il a organisé une collecte de fonds pour remplacer la machine à laver de Donna. Cette collecte a eu un grand succès, et en quelques heures, les fonds nécessaires avaient été rassemblés.
Du coup, Jason / Jackass a décidé de continuer. Il a monté une organisation, Wolverines of the PCT, dont le but est de collecter des fonds pour aider les trail angels à poursuivre leur activité et les aider, par ailleurs, de manière plus... concrète. Jackass part cette semaine, par exemple, avec plusieurs autres volontaires, aider les Saufley à monter les tentes dans leur jardin pour accueillir le flot de hikers qui sont en chemin. Il vont ensuite dans le nord de la Californie aider Georgi Heitman à s'installer, elle aussi.
Tout ceci est assorti d'une collecte de fonds transparente (https://fundrazr.com/campaigns/3J6p8).

Je vous ai bien expliqué, je pense, en quoi l'expérience du PCT pouvait être magique. L'expérience de la gentillesse, de la générosité, de la solidarité. Ce que Warner Springs Monte exprimait en disant, dans un documentaire sur le PCT: "people helping people", un endroit où les gens aident les gens. Un endroit où on peut faire l'expérience de ce que pourrait être une humanité rêvée.
Il faut cependant être bien conscient que tout ceci a nécessairement des limites. La fréquentation du Pacific Crest Trail augmente de manière exponentielle, et par là même met en danger cette expérience inoubliable. Cette année, l'association du PCT a émis 800 permis, un nombre record. Il y a lieu de se demander jusqu'où les trail angels pourront tenir le coup, face à cet afflux. Il est effectivement temps de les soutenir, eux aussi. Comme le disait Terrie Anderson, sans en être particulièrement amère, à propos de ceux qu'ils reçoivent chez eux: "There are givers, and there are takers." "Il y a ceux qui donnent, et il y a ceux qui prennent"... Joe, lui, a exprimé la même chose de manière plus crue: "We host hundreds of hikers. There are a few jerks. Not that many.""On accueille des centaines de randonneurs. Il y a quelques cons. Pas tant que ça."

J'ai fait un don à Jackass, bien sûr. Je préfère être dans la catégorie des givers, plutôt que des takers. Imaginons que tous mes lecteurs donnent $10 chacun, soit €7. Imaginons un monde de générosité et de solidarité, juste pour rêver. Pour soutenir un monde qui fait rêver.

Hiker Heaven.
La cour de la maison des Saufley. Imagine, aurait dit John Lennon, imaginez... Vous entrez chez des gens que vous ne connaissez pas, qui ne vous connaissent pas. Ils vous accueillent en souriant, sans poser la moindre question. Dans leur garage, votre colis de ravitaillement, votre courrier vous attendent, ainsi que toutes les informations les plus récentes sur le parcours. Au fond ( sur la photo), la tente pour le linge et la lessive. Vous vous déshabillez, vous mettez votre linge sale dans un panier. Vous prenez des vêtements dans les cagettes que vous apercevez au fond. Donna vous rapportera votre linge, lavé et séché.
Et ce n'est que le tout début de votre expérience dans cette oasis au milieu du désert. On ne vous demande rien, absolument rien. On vous a juste ouvert la porte. En grand.


3 commentaires:

  1. Bonjour mon cher Philippe,
    Tout à fait désolé de la fin (provisoire...) du PCT.
    Pour toi, car ton investissement personnel a été tel qu'il doit être tout à fait "frustrant" (au minimum...)de mettre fin à l'aventure
    Pour moi et tous ceux qui te lisent, et découvraient au fil de tes mots des lieux, des gens des relations humaines exceptionnelles, bien loin de l'image des américains "gros cons" que j'avais, du fait de ma méconnaissance de ce pays.
    Merci donc pour ce blog toujours très intéressant et Bravo pour cette première étape et la façon dont tu nous l'a fait vivre
    Benoît (Le Marin)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci, cher Benoît, mais il y a fort à parier pour que vous entendiez encore parler du PCT, et des allumés qui le fréquentent, à l'avenir. Du moins, je l'espère.

      Supprimer
  2. "Le reste, je m'en charge .... "
    ouaip !!! c'est marrant mais j'ai comme l'impression qu'il va falloir que je m'en charge aussi un petit peu...
    oh ! si peu ...
    la peste

    RépondreSupprimer