"I don't know if I can do it. Then again I don't know that I can't."
Ffyona Campbell (tour du monde à pied, soit 32 000 km, en 11 ans)
"Je ne suis pas convaincue de pouvoir le faire. Mais d'un autre côté, je ne suis pas convaincue de ne pas pouvoir".
"Bougez pas ! Les mains sur la table. Je vous préviens qu'on a la puissance de feu d'un croiseur et des flingues de concours."
Michel Audiard
Vous ne pourrez suivre les propos de ce billet que si vous avez lu celui qui est intitulé "Pan, pan!" (21 février). Je vous suggère donc une remise à niveau rapide.
Effectivement, ça continue de tirer à tout va dans l'histoire que je vous racontais. Ce n'est à vrai dire pas très surprenant.
J'avais, avec la remarquable sagacité qui me caractérise, relevé que le chasseur qui avait eu l'idée de placarder sur internet sa photo après avoir abattu un puma en Idaho était le patron de la Commission Chasse - Pêche de Californie. À ce titre, le chasseur en question, il était censé protéger les pumas, pas leur tirer dessus. Même si ce qui est illégal en Californie était légal en Idaho. Sans entrer dans des considérations philosophiques, on pourrait a minima estimer que, compte tenu de son job, la publication de sa photo et du sourire hilare qu'il y arbore devant la dépouille d'un superbe puma n'était pas une décision extrêmement judicieuse.
Comme on pouvait s'y attendre, cette histoire fait plus de bruit que le fusil employé pour dézinguer le puma. Ce qui m'intéresse tout particulièrement, c'est la manière dont on voit réapparaître les lignes de fracture concernant les conceptions de la nature, dans l'Ouest américain sauvage. Et une... sorte de haine entre chasseurs et non-chasseurs. Deux conceptions antithétiques que j'ai beaucoup étudiées, de la nature amie ou de la nature ennemie. N'en concluez pas que je pourrais penser que les chasseurs sont des "ennemis" de la nature: je sais trop bien que c'est bien plus compliqué que ça. Sans compter qu'en jouant moi-même un peu la provocation, je pourrais même me lancer dans une argumentation visant à vous démontrer que la nature n'existe pas.
Notons d'ailleurs au passage une différence de taille entre les États-Unis et nous, s'agissant de la faune sauvage. Je le redis, sur le parcours du PCT, on trouve un nombre certain de petites et grosses bêtes, parmi lesquelles des carnassiers potentiellement dangereux, tels que loups, ours, pumas, lynx, carcajous, aussi connus sous le nom de gloutons. Le glouton, "wolverine" en Anglais, est un animal dont vous n'avez certainement jamais entendu parler, j'imagine. Il est pourtant redoutable et les Canadiens le qualifient de "très dangereux", "l'animal le plus féroce de tout le Grand Nord", rien que ça. Et en plus, il est moche.
En France, si d'aventure un félin s'échappait d'un zoo, on ferait intervenir le GIGN et l'armée...
Or donc, le Gouverneur adjoint de Californie a peu goûté que son responsable de la protection de la faune aille tirer le gros lapin chez les voisins et ait la peu brillante idée de le clamer haut et fort. Il vient de réclamer la démission de Dan Richards, officiellement responsable de la protection de la faune californienne. Je vous passe les nombreux et virulents commentaires de lecteurs qui ont fleuri à la suite des articles publiés, ils ne sont pas beaucoup plus brillants ni raffinés que ceux qu'on trouve généralement dans notre beau pays.
Les conditions de cette chasse sont en outre susceptibles de faire se lever quelques sourcils: elle a eu lieu dans un ranch privé, où les clients paient pour que des chiens pourchassent les pumas jusqu'à les faire grimper dans un arbre, où on peut alors les abattre... Une sorte de chasse à courre verticale. Et pour compléter le tableau (de chasse), Monsieur Richards est membre à vie de la NRA, la très extrémiste association des défenseurs du libre port d'arme, une étiquette très claire aux États-Unis.
Mais, à cette heure, Dan Richards ne compte pas faire amende honorable. Au contraire, il en rajoute des couches et vient de faire savoir qu'il y avait "zéro chance" qu'il démissionne, affirmant au passage que ça ne regardait personne et qu'il avait... mangé le puma au dîner! (1) Comme son portrait permettait de le supputer, cet homme ne semble guère prédisposé à faire dans la finesse, quelle que soit son activité.
"Do you really think a California commissioner is actually obligated to follow California laws across these United States? Really?" Richards wrote on Fish and Game letterhead in a two-page correspondence he also sent to the entire Legislature, the governor, the California secretary of Natural Resources, and members of the Fish and Game Commission.
"Pensez-vous vraiment qu'un Commissaire californien soit réellement obligé de suivre les lois californiennes dans tous les États-Unis? Vraiment?" a écrit Richards sur du papier à en-tête de la Commission Chasse et Pêche dans un courrier de deux pages qu'il a adressé à toute la législature, le gouverneur, le Secrétaire californien des Ressources Naturelles, et aux membres de la Commission Chasse et Pêche. Voilà ce que rapporte aujourd'hui le San Francisco Chronicle. Mais on trouve également des articles dans le Los Angeles Times et d'autres journaux, et on en a même parlé à la télévision. Y a pas de doute, dans cette merveilleuse époque qui est la nôtre, il vaut mieux faire très attention à ce qu'on publie sur internet en pensant que ça restera du domaine privé. Euh...
(1) L'argument du puma dégusté au dîner est bien un argument de défense: il vise à "établir" qu'il chassait pour se nourrir, et pas simplement pour le plaisir. C'est bien connu, le puma est un mets délicieux et certainement raffiné. Je vous laisse décider si c'est un argument recevable; un peu comme les partisans de la corrida, quand ils affirment (ce qui est par ailleurs vrai) qu'on peut manger du ragoût de taureau le soir dans les bodegas...
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