mardi 14 février 2012

Chemin faisant


"I haven't got any special religion this morning. My God is the God of Walkers. If you walk hard enough, you probably don't need any other god."
Bruce Chatwin

"Je n'ai pas de religion particulière ce matin. Mon Dieu est le Dieu des marcheurs. Si vous marchez avec suffisamment de vigueur, vous n'avez probablement besoin d'aucun autre dieu".




J'aimais beaucoup Jacques Lacarrière. C'était un écrivain français, passionné de Grèce, à propos de laquelle il a beaucoup écrit. Mais en 1971, il traverse la France à pied, des Vosges aux Corbières, sur mille kilomètres (petit joueur!), et raconte son périple dans un beau livre intitulé "Chemin faisant", publié en 1974.
Je ne parviens pas à remettre la main sur mon exemplaire de Chemin faisant, que j'ai dû, comme d'hab, prêter à quelqu'un qui ne me l'a pas rendu. Mais j'ai trouvé le texte ci-dessous sur le site d'une association d'amis de Lacarrière.





PAROLES POUR UN ETE - LA MARCHE
Le départ: 
Demandez à quelqu’un de fermer les yeux et de dire spontanément, sans aucune réflexion, ce qu’évoque pour lui le mot “marche”. Le plus souvent, il répondra : sentier, soleil, vent, ciel, horizon, espace. Je me suis amusé à cette expérience et j’ai été surpris par ces réponses. Car “marche” pourrait évoquer aussi bien : pluie, tempête, sueur, fatigue, ampoule, cor aux pieds, entorse, chute, enlisement, engloutissement. Mais il semble que ces dernières associations — qui eussent été courantes aux siècles précédents — ne viennent plus à l’esprit aujourd’hui. Comme si le seul mot de marche libérait des rêves inexprimés ou non vécus, des besoins d’espace et d’horizon, et surtout des désirs de liberté, d’imprévu, d’aventure
.
La marche intérieure:


 Pendant des centaines de kilomètres, on est contraint de suivre le fil d’un seul chemin. Peut-être si j’avais, à tel moment, pris tel chemin et non tel autre, aurais-je croisé un vagabond sympathique, longé une église historique, traversé un village accueillant. Mais on ne vit pas sur les chemins avec ce qu’on aurait pu faire. Faute de pouvoir se dédoubler, il faut se contenter de suivre une seule voie et se dire que c’est elle — elle seule — qui vous livrera les clefs de vos rencontres. On choisit un chemin et non les choses à voir, puisque c’est lui qui vous mène (ou ne vous mène pas) vers l’insipide ou le merveilleux. Ce faisant, on éprouve malgré tout le sentiment non d’un désir perpétuellement inassouvi (celui de toutes les choses qu’on pourrait voir sur les autres chemins) mais au contraire d’une sorte de plénitude, d’une nécessité à la fois inéluctable et nourricière, puisqu’elle seule constitue pendant des jours, des semaines ou des mois, au fil de votre route, le fil même de votre vie.



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