"J’ai écrit dans mon avant-dernier livre « La vie commence à 60 ans », que si tous les retraités couraient ou marchaient trente minutes tous les jours, on boucherait en quelques mois le trou de la sécurité sociale. Bouger, c’est vivre et la vie, c’est devant".
Bernard Ollivier
Bernard Ollivier, un autre de mes coups de cœur, dont je vous ai déjà parlé. Ancien journaliste, aussi vieux que moi, il a parcouru à pied, en trois étés, la Route de la soie sur 12000 km, de Turquie jusqu'en Chine. Il en a tiré un très beau bouquin en trois volumes, intitulé La longue marche. Je vous le recommande chaleureusement.
J'ai trouvé cet interview de Bernard Ollivier dans le blog de la rédaction de Paris-Normandie. Je vous le soumets... Ce que dit Bernard Ollivier a tout à voir avec mon propre projet.
Pourquoi avez-vous décidé, un jour, de marcher sur la route de la soie ?
“Six jours après avoir pris ma retraite (ou plutôt qu’on me l’ait donnée) en avril 1998, je suis parti à pied de Paris jusqu’à Compostelle, afin de décider de ce que j’allais faire de tout ce temps libre. J’étais alors très déprimé, inconsolable de la mort de ma femme, seul depuis que mes enfants avaient pris leur envol. La marche vous reconstruit au physique comme au mental. Au fur et à mesure que je parcourais les 2300km qui me séparaient de St Jacques, j’ai retrouvé énergie, bonne humeur et j’ai fait des projets d’avenir.
Arrivé au but, je me suis fixé deux projets de retraite : m’occuper de jeunes en grande difficulté en les reconstruisant par la marche comme je venais de me le prouver à moi-même. Et continuer à marcher sur une route d’histoire. Et quelle plus belle route d’histoire que la route de la soie ? 2300 ans d’existence, trois siècles avant notre ère l’an I de la mondialisation, le chemin des grandes « inventions » (en réalité très souvent emprunts à la civilisation chinoise) comme la boussole, le papier et la poudre qui ont permis à l’occident de découvrir le monde et de le dominer. Je suis donc parti en avril 1999 pour ce long chemin de 12000km, en doutant fortement de parvenir jusqu’au bout, mais rien ne coûtait d’essayer. Ce que j’ai fait.”
Marcher seul comme vous l’avez fait, c’est à coup sûr mener une véritable introspection, c’est se redécouvrir
“… et redécouvrir les autres. La marche solitaire est si importante sur le plan de la personnalité que, à l’issue d’une longue marche, personne ne revient comme il est parti. Voyez la trace profonde sur ceux qui reviennent de Compostelle et qui explique l’incroyable succès de ce chemin, même lorsque l’on sait que ceux qui le font pour des raisons religieuses sont minoritaires. Marcher, c’est penser librement, loin de tous les stress que nous impose la vie moderne en société. C’est se recentrer sur soi-même, mesurer sa force de vie, se dépouiller du superflu, à commencer par l’instant où l’on fait son sac. Dans un monde de l’urgence et de la précipitation qui nous rend malade, le contrepoison est la lenteur. Et puis surtout — et c’est le paradoxe — marcher seul, c’est aller vers les autres. Rien ne vous prépare mieux à la rencontre, à l’échange, qu’une marche solitaire. Aucun moyen de transport ne permet cette ouverture à l’autre. Même en vélo, vous pouvez toujours dire « bonjour » à quelqu’un que vous croisez, mais le temps qu’il réponde, vous êtes déjà loin. Et vous êtes peut-être passé à côté de quelqu’un qui pouvait compter dans votre vie.”
Est-ce que marcher présente un aspect de jubilation ?
“Oui, et pour deux raisons : la première est de se sentir entièrement libre, dégagé de toutes les contingences. La seconde est que la marche au long cours provoque dans notre organisme la sécrétion d’endorphines, une sorte de drogue naturelle qui vous rend euphorique, presque dépendant de l’effort. La marche n’est pas douleur mais joie.”
Dans l’un de vos livres, vous évoquez une plénitude physique, un côté presque jouissif à enchaîner les journées de marche…
“Bien sûr, pour les raisons que je viens de dire. La difficulté lorsque l’on randonne tous les jours sur des distances importantes, ce n’est pas de marcher mais de s’arrêter. Pourquoi mettre un terme au bonheur ? Les pèlerins qui arrivent à Compostelle sont désolés ; c’est la fin du voyage, ils doivent descendre du petit nuage sur lequel ils étaient installés depuis des jours. Il n’y a que les sédentaires, les adeptes du fauteuil qui s’imaginent que la marche est douloureuse.”
L'année après avoir achevé sa longue marche, Ollivier y est reparti avec un fabuleux dessinateur-aquarelliste, François Dermaut, pour y retrouver la trace de ceux qu'il avait rencontrés et de ceux qui l'avaient accueilli. Ce livre est formidable.
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