samedi 4 février 2012

A Walk in the Woods


Cette citation m'a été envoyée par mon ami Rob, du futur "camp de base" PCT  de Long Beach... Merci Rob.

"I started thinking of impossible cliffs at dawn
and by evening was settled on a mountain top."

Hsieh Ling-Yun
 385-433

"J'ai commencé à rêver d'impossibles falaises à l'aube, et le soir, j'étais perché au sommet de la montagne".



Bill Bryson est un écrivain américain plutôt prolifique. Un de ses morceaux de bravoure est un ouvrage intitulé "A Walk in the Woods", qui a été réédité en 2006. J'ai découvert qu'il était sur le point d'être publié en Français, mais ce n'est toujours pas le cas à ce jour.
Je suis en train de le lire et Atchoum, notre chat angora qui a pour habitude de faire la sieste sur mon estomac pour que je lui gratte les oreilles, était particulièrement agacé hier soir des soubresauts de mes éclats de rire qui l'empêchaient de méditer paisiblement sur les difficultés de sa vie de chat. Bill Bryson raconte une randonnée sur le pendant Côte Est du PCT, qu'on appelle Appalachian Trail. C'est un parcours qui va de la Géorgie au Maine, est moins long et moins sauvage que le PCT, et beaucoup plus fréquenté. Cela dit, la problématique est sensiblement la même et les interrogations métaphysiques des aspirants thru-hikers se rejoignent. Je vous traduis donc un passage du début, lorsque Bill Bryson a pris la décision d'aller se balader dans les bois et commence à se renseigner sur ce que cette randonnée pourrait impliquer. Je ne saurais trop vous conseiller de le lire en Français lorsqu'il aura été publié, sous le titre de "Promenons-nous dans les bois".




"Pratiquement tous ceux avec qui j'ai discuté avaient une histoire atroce à raconter, qui impliquait un ami innocent parti randonner sur le sentier, plein d'espérances et chaussures neuves aux pieds, pour revenir en titubant deux jours plus tard, un lynx encore cramponné à leur crâne, ou la manche sans bras dégoulinante de sang, en chuchotant dans un souffle rauque "un ours!", avant de sombrer dans un coma agité.
La forêt était pleine de périls — des serpents à sonnette ou des mocassins d'eau, des nids de vipères; des lynx, des ours, des coyotes, des loups, et des sangliers; des dégénérés à demi-dingues déséquilibrés par des quantités démesurées d'alcool de maïs frelaté et des générations de relations sexuelles hors nature; des putois, des ratons laveurs et des écureuils rendus fous par la rage; des fourmis de feu impitoyables et de féroces mouches noires; le lierre vénéneux, le sumac empoisonné, les salamandres vénéneuses; et même un échantillonnage  d'élans gravement atteints par un ver parasite qui se niche dans leur cervelle et les perturbe assez pour qu'ils en viennent à pourchasser de malheureux randonneurs au travers de prairies isolées et ensoleillées, jusqu'à les pousser dans les lacs glacials.
Des événements littéralement inimaginables pouvaient se produire sur ce parcours. J'ai entendu parler d'un homme qui était sorti de sa tente à minuit pour faire pipi et avait été attaqué par une chouette à la vue basse — et la dernière fois qu'il avait vu son cuir chevelu, celui-ci pendait sous les serres dont la silhouette se détachait joliment au clair de lune — ou d'une jeune femme qui avait été réveillée par un chatouillement sinusoïdal sur son ventre. En jetant un coup d'œil dans son sac de couchage, elle avait trouvé une vipère nichée au creux de ses cuisses. On m'a raconté quatre histoires distinctes (toujours accompagnées d'un ricanement) de randonneurs et d'ours se partageant une tente pendant quelques instants de joyeuse agitation; de gens brutalement vaporisés par la foudre ("restait plus rien de lui, sauf une trace calcinée") — une boule de feu aussi grosse qu'eux — après avoir été surpris par des orages soudains sur une crête dégagée; de tentes écrasées par des chutes d'arbres, ou poussées vers le précipice par la violence de la pluie et envoyées telles des parapentes vers le fond de la vallée dans le lointain, ou balayées par le mur d'eau d'une inondation subite; de randonneurs innombrables dont la dernière expérience fut celle du sol qui tremblait et dont la dernière et confuse pensée fut: "Qu'est-ce que c'est que cette m...?"
Il ne m'avait fallu que quelques lectures sommaires de récits d'aventure, sans même le renfort de la moindre imagination, pour entrevoir les circonstances dans lesquelles j'allais me retrouver encerclé par une meute de loups enhardis par la faim, titubant, mes vêtements en lambeaux, sous les morsures des fourmis de feu, ou tétanisé par la vision d'un sous-bois se précipitant vers moi telle une torpille, juste avant d'être projeté en arrière par un sanglier de la taille d'un canapé, l'œil vitreux, le couinement perçant, et mis en appétit par ma chair rose, grassouillette et attendrie par la vie citadine.
Et puis, il y avait toutes les maladies qui rôdaient dans la forêt —Giardia Lamblia, l'encéphalite équine, la fièvre des Rocheuses, la maladie de Lyme, Helicobacter pilori,  Ehrlichia chaffeenis, la schistosomiase, la brucellose, et le shigella, pour ne citer que quelques exemples. L'encéphalite équine, provoquée par une piqûre de moustique, attaque le cerveau et le système nerveux central. Si vous avez beaucoup de chance, vous pouvez espérer passer le restant de vos jours en fauteuil roulant, une minerve autour du cou, mais en règle générale, vous en mourrez. Il n'y a aucun traitement. La maladie de Lyme n'est pas mal non plus, causée par la morsure d'une tique de la taille d'une tête d'épingle. Si on ne la détecte pas, elle peut rester en sommeil dans votre corps pendant des années avant d'exploser en une véritable fiesta de troubles divers. C'est une maladie pour ceux qui veulent toutes les expérimenter. Les symptômes débutent par des maux de tête, de la fatigue, de la fièvre, des frissons, le souffle court, des vertiges, des douleurs lancinantes dans les extrémités, puis on progresse rapidement vers les troubles du rythme cardiaque, la paralysie faciale, des spasmes musculaires, de graves troubles mentaux, une perte de contrôle des fonctions corporelles, et — ce qui est assez peu surprenant au vu des circonstances — une dépression chronique.
Ensuite, il y a la famille peu connue des micro-organismes qu'on appelle hantavirus, qui pullulent dans un microscopique brouillard au-dessus des déjections de souris et de rats, et sont ensuite aspirés dans le système respiratoire humain par ceux qui auront eu la malchance de laisser traîner un orifice respiratoire à proximité d'eux — en se couchant, par exemple, sur un bat-flanc où des souris infectées se seront promenées au préalable. En 1993, une seule épidémie d'hantavirus a tué trente-deux personnes dans le sud-ouest des États-Unis, et l'année suivante, cette maladie a fait sa première victime sur l'Appalachian Trail, lorsqu'un randonneur l'a attrapée en couchant dans un abri "infesté de rongeurs" (Tous les abris de l'AT sont infestés de rongeurs). Dans le monde des virus, seuls la rage, l'Ebola, ou le VIH sont encore plus mortels. Là encore, il n'y a aucun traitement.
Enfin, comme on est en Amérique, il y a la possibilité permanente d'être assassiné. Au moins neuf randonneurs — les chiffres réels dépendent de la source consultée et de la manière dont vous définissez un randonneur — ont été tués sur le sentier depuis 1974. Deux jeunes femmes seraient tuées pendant que j'y serais."

Bill Bryson, A Walk In The Woods, Rediscovering America on the Appalachian Trail, Anchor, 2e éd. 2006



"All the books tell you that if the grizzly comes for you on no account should you run. This is the sort of advice you get from someone who is sitting at a keyboard when he gives it. Take it from me, if you are in an open space with no weapons and a grizzly comes for you, run. You may as well. If nothing else, it will give you something to do with the last seven seconds of your life."
Bill Bryson

"Tous les livres vous disent que si un grizzly s'approche de vous, il ne faut en aucun cas courir. C'est le genre de conseil qu'on reçoit de quelqu'un qui est assis devant son clavier quand il vous le donne. Écoutez-moi plutôt, si vous êtes dans un endroit dégagé, sans arme, et qu'un grizzly s'approche, courez. Il vaut mieux pour vous. Au pire, ça vous donnera quelque chose à faire pendant les sept dernières secondes de votre vie".





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