lundi 7 novembre 2011

Anges et magiciens (1ère partie)


“In every walk with Nature one receives far more than he seeks.”
John Muir

« À chaque balade dans la Nature, on reçoit bien plus que ce qu’on cherchait. »



C'est par là...




C’est bien beau, ce petit parcours où il n’y a rien, ni refuge, ni camping, ni ravitaillement, ni aucun soutien d’aucune sorte, mais ça craint quand même un peu, non? Si j’ai bien compris, je n’emporte que le minimum syndical en termes de vêtements, par exemple. Pas le moindre sous-vêtement ou T-shirt de rechange, puisque je suis devenu membre de la fraternité UL, condition sine qua non pour espérer voir la Colombie britannique. Juste ma cuillère en titane plaqué or. Et encore heureux qu’on me laisse porter un caleçon. Au bout de quelques jours, ça va commencer à… créer des soucis. Je risque de faire fuir les ours, ce qui en soi n’est pas une mauvaise chose, mais…

C’est en réalité en partie vrai, car l’équation est simple. Si on porte trop de poids, on ne peut pas avancer assez vite pour aller jusqu’au bout dans les délais imposés par les saisons. On va du potentiellement très, très chaud au potentiellement très, très froid et très, très enneigé. Il ne faut pas perdre de vue que le PCT doit être parcouru, grosso modo - quand on ne s’appelle pas Scott Williamson - en 150 ou 160 jours. C’est-à-dire une trentaine de kilomètres quotidiens, en montagne, quel que soit le dénivelé. La barre est haute. On est par voie de conséquence vraiment contraint d’élaguer sérieusement l’équipement. Le superflu n’y a pas sa place. Le poids de base du sac (hors nourriture et eau) que les UL hikers acceptent comme raisonnable est de 7 kilos. Certains font mieux, c’est-à-dire moins, parfois au péril de leur sécurité, mais surtout de leur confort. Le résultat est qu’au bout de quelques… semaines, le thru-hiker se métamorphose en ce que les Américains appellent « hiker trash », un déchet de randonneur, aisément reconnaissable à la crasse incrustée et à un fumet tout à fait particulier. Un thru-hiker exprimait sa surprise d’avoir constaté qu’un être humain pouvait sentir aussi mauvais. Les randonneurs eux-mêmes font souvent part de leur étonnement de parvenir à détecter le parfum de savon et de déodorant des randonneurs qu’il leur arrive de croiser, AVANT même de les voir.

Scott Williamson
(photo John "Rolling Thunder" Henzell - PCT 2006)


Mais, mais, nous sommes bien aux États-Unis, et ça change tout. De la même manière que les conceptions politiques d’un rôle minimaliste de l’État génèrent des solidarités insoupçonnées à l’échelon très local, le caractère plutôt hard du parcours du PCT permet à la générosité et la solidarité entre membres de l’Église des dingues furieux d’étendre ses bienfaits. Souvent extrêmement déroutants pour les pauvres Européens que nous sommes.

Roulements de tambour, permettez-moi donc de vous présenter les Trail Angels, les anges du sentier. Où, ailleurs qu’aux États-Unis, pourrait-on trouver des gens qui, parce qu’ils habitent à proximité du PCT, se proposent pour accueillir, chaque année, les centaines de hikers qui passent ? Ils leur offrent une bonne douche, lavent leurs vêtements, les nourrissent, mettent à leur disposition un ordinateur, leur permettent de passer une bonne nuit, s’occupent de leur courrier, gardent les colis de ravitaillement qu’ils se sont envoyés, les emmènent dans les magasins faire leurs courses. Je ne parle pas d’héberger quatre ou cinq randonneurs. Il s’agit bien là de centaines de hikers. Chaque année. Pendant deux ou trois mois. Bénévolement.

Jeff et Donna Saufley, par exemple, un des couples de trail angels les plus connus, ont aménagé leur logement d’Agua Dulce pour accomplir cette mission. Ils ont installé de grandes tentes sur leur terrain, un camping-car, des machines à laver, j’en passe et des meilleures. Les hikers sont déshabillés à leur arrivée et on leur fournit des vêtements le temps que leur lessive soit faite. Bon OK, ça, c’est vraiment l’urgence. Une mesure de salubrité publique. Le garage des Saufley a été transformé en entrepôt pour les dizaines de colis de ravitaillement qu’ils stockent. (You do not need to call us to ask if it's okay to send a package -- IT'S OKAY!!! Écrivent-ilsVous n’avez pas besoin d’appeler pour demander si on est d’accord pour que vous envoyiez votre colis. C’EST D’ACCORD !!!  Leur consommation d’eau, dans un endroit désertique, est pharaonique. Et, naturellement ( ?), ajouterai-je, ils ne demandent aucune contrepartie, même s’il ressort tout de même de la décence la plus élémentaire de laisser son écot. Imaginez donc ce qui peut se passer dans le cœur de gens qui écrivent sur leur site : « As to who is welcome, it's quite simple:  anyone with two or four legs hiking the PCT.  We can accommodate and welcome dogs, horses, llamas, and goats. » « Quant à savoir qui est le bienvenu, c’est très simple : quiconque a deux jambes ou quatre pattes et parcourt le PCT. Nous pouvons héberger les chiens, les chevaux, les lamas et les chèvres, et ils sont les bienvenus. »
Jeff et Donna décrivent également leur capacité d'hébergement; c’est tout juste s’ils ne s’excusent pas d’en manquer. Ils précisent que les couples sont prioritaires dans les chambres individuelles, afin d’optimiser le remplissage. Mais, ajoutent-ils, ils n’ont aucune définition à ce sujet et ne portent pas de jugement sur ce qui constitue un couple…
Non, vous ne rêvez pas. Ça se passe sur notre planète, et c’est aux États-Unis, dans la communauté du Pacific Crest Trail. Chez les dingues furieux.

Chérie, on a des invités!
(les hikers d'un soir chez les Saufley)
(Photo Erin "Teatree" Brown - PCT 2007)



Je sais à quel point il doit être difficile d’imaginer jusqu’où peuvent aller les trail angels pour aider les randonneurs. Erin (http://erinspctjournal.blogspot.com/) a fini son parcours en septembre dernier. Dans cette vidéo, elle fait un tour rapide de ce à quoi ressemblerait votre maison et votre jardin si vous étiez Jeff et Donna. Vous n’avez pas besoin de comprendre son commentaire. Regardez, ça suffit.



La suite de ce billet angélique et magique... demain!

1 commentaire:

  1. C'est sûr, je suis rouge de jalousie !!!!!.... que j'aimerais ressembler à Donna avec n'importe quel Jeff !!!! quel pied de pouvoir faire ce qu'ils font !! bon, chez moi, il y aurait ... un petit problème mais c'est sûr.... si j'étais Donna je n'habiterais pas au Perlic!!!!!! avec Roger......
    Bon, j'attends demain.... bises.

    r.

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