mercredi 2 novembre 2011

Pacific Crest Trail, kesaco?

J'ai une révérence de très longue date pour John Muir (1838-1914), que l'on pourrait à bon droit considérer comme l'un des premiers environnementalistes. Je n'aime pas beaucoup le terme écologiste. Il est parfois péjoratif et on ne peut pas trouver quoi que ce soit de péjoratif à l'évocation de John Muir. Il a passé une grande partie de sa vie à parcourir la Sierra Nevada en tous sens et est à l'origine, par ses beaux écrits et son "lobbying" politique inlassable, de la création de plusieurs parcs nationaux, dont Yosemite National Park. "Going to the mountains is going home", écrivait-il.
Environnementaliste? Ouaip, il y a bien eu Thoreau, aussi, un contemporain de Muir. Mais Thoreau m'apparaît quand même à titre très personnel comme un ermite écolo de pacotille, caché pendant quelques mois dans sa cabane à quelques encablures de la grande ville. Juste le temps de rédiger ce grand manifeste préhistorique de l'écologie qui s'intitule "Walden", tout de même. Alors que Muir, c'est une toute autre musique. Éperdument amoureux de la nature, il s'est intensivement frotté au granit de la sierra, il y a usé ses semelles cloutées, au point qu'il a été le premier à comprendre que le relief témoignait du passage d'anciens glaciers. Ca sentait le bûcher, ce genre d'affirmation, au XIXe siècle, aux Etats-Unis. On y était certain que la terre avait 4000 ans, pas un de plus, et le nier était hérétique. On en avait lynché pour moins que ça.
Muir est le fondateur d'une sorte de religion de la nature. Les montagnes de la Sierra Nevada en étaient les cathédrales; c'est ainsi qu'il les appelait. Il considérait que la protection absolue de la nature était indispensable à la survie de l'homme. Encore une idée iconoclaste à une époque où on était surtout occupé à abattre à tout va. Un type bien, Muir. Un précurseur.

John Muir


Je me souviens avoir lu un bel article que lui consacrait le National Geographic il y a de nombreuses années. Ils évoquaient entre autres le sentier de randonnée qui rend hommage à John Muir, dans la Sierra Nevada, en Californie. 300 km de haute montagne dans des paysages de rêve. Dans ces paysages qui l'avaient lui-même émerveillé et qu'il avait décrit avec tant de talent et de poésie. Cette lecture était arrivée à un moment où j'avais besoin d'un beau projet de "vacances" avec Martine. Il n'a pas fallu longtemps pour la convaincre de partir à l'été 1996 pour la Californie avec nos sacs à dos.
Et pendant cette magnifique randonnée, quelque peu engagée, nous avons fait une belle rencontre, celle de Charlie Jones. Il faisait le même parcours que nous, avec son ami Chuck Bennett. J'ai engagé une longue conversation avec Charlie, qui m'a donné son étrange carte de visite que j'ai précieusement conservée depuis. Elle comportait le dessin d'un randonneur, sac au dos, façon Guide du Routard, avec cette légende: "Charlie Jones, Pacific Crest Trail Enthusiast".



Charlie est donc LE coupable. Un soir à Red's Meadow, après avoir chassé l'ourson qui venait de s'inviter dans notre camp (oh, oh, sa mère ne doit pas être loin...), c'est lui qui m'a expliqué que le John Muir Trail n'était qu'un minuscule tronçon du sentier qui allait en réalité de la frontière mexicaine au Canada, à Manning Park. Quand il m'a fourni quelques explications sur le Pacific Crest Trail, sur le millier de kilomètres de déserts brûlants dans lesquels on s'abritait tant bien que mal à l'ombre d'un cactus au plus chaud de la journée, sur les 3000 kilomètres de montagnes qui leur succédaient, sur les nombreuses contraintes météorologiques, sur les problèmes de ravitaillement, sur le chaud, le froid, la faim, la soif, les ours, les pumas, les scorpions et les serpents à sonnette, je me suis naturellement dit que j'avais affaire à des dingues. Des dingues furieux. Et peut-être le sont-ils vraiment, finalement. Mais mon problème, c'est que j'aime ce genre de dingues.

Charlie avait aussi évoqué la Pacific Crest Trail Association, ou PCTA, l'organisation qui regroupe tous les intégristes de cette Eglise, celle qui gère l'entretien du parcours, également. Il en était un des piliers. À notre retour en France, j'ai aussitôt adhéré à l'association. J'en suis membre depuis 15 ans. Depuis 15 ans, je pense au Pacific Crest Trail. En serais-je capable? Quand en aurais-je le temps? Aurais-je les attributs nécessaires? Le grain de folie, le mental indestructible, la résistance physique, bref... On va bientôt le savoir.

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