samedi 26 novembre 2011

Vroom, vroom


"Il est idiot de monter une côte à bicyclette quand il suffit de se retourner pour la descendre".
Pierre Dac






Je vous ai déjà parlé d'Élodie et Stéphane. Ils ont réussi le parcours intégral du Pacific Crest Trail cette année, qui restera pourtant certainement dans les annales comme une des pires de l'histoire du PCT, en raison d'un enneigement d'anthologie. La Sierra Nevada ne connaît en effet pas les difficultés de nos stations de ski. Là-bas, c'est plutôt le contraire.

Vous pouvez consulter le journal d'Élodie et Stéphane à cette adresse:

Élodie et Stéphane au Monument 78, frontière canadienne


Ils viennent de me faire un sale coup. Enfoirés de jeunes! Ils ont publié les chiffres. Oui, oui, toutes les données enregistrées par leur GPS au cours des cinq mois de leur marche. Dénivelé, temps de marche, vitesse de progression, tous ces trucs sympas à savoir. Ou pas.
Évidemment, quand on n'envisage pas d'adhérer à EDF, ce n'est pas très perturbant, j'imagine. Mais quand on astique sa cuillère en titane tous les matins, ces chiffres prennent une toute autre dimension. Ils deviennent rouge fluo. Et je dois dire qu'ils font peur. Ce sont des chiffres qui n'apparaissent normalement pas aussi clairement quand on regarde les cartes de Halfmile. Sur les cartes, d'ailleurs, c'est tout plat.

On connaît les chiffres les plus évidents, les 4300 kilomètres, le temps limité par les saisons, qui suffisent à vous donner quelques sueurs froides. Mais le dénivelé est... comment dire? Intéressant à connaître.

141 000 mètres de dénivelé positif. En montée, quoi. Vers le haut. Sur 155 jours de marche. Cela veut dire, sans avoir besoin d'être physicien nucléaire - ou rocket scientist, diraient mes copains américains - , 1000 m de grimpette par jour. Tous les jours.
Non, pas tous les jours, à vrai dire. Élodie et Stéphane ont eu 17 jours à plus de 1500 mètres de dénivelé. En montée. Vers le haut. Je préfère ne même pas aborder le dénivelé négatif, les descentes de furieux qui vous détruisent les genoux. Hiboux, cailloux, vous savez...?
140 km, c'est la moitié de la montée à la verticale nécessaire pour atteindre la station spatiale internationale. Ça coûte moins cher que d'envoyer une navette: allez-y donc à pied.

Le 4 août dernier, pendant que vous étiez à la plage, Élodie et Stéphane ont parcouru 37 km dans le nord de la Californie, près de Seiad Valley, avec, en prime,... 2150 mètres de dénivelé en montée et 820 en descente. Tous ceux qui ont déjà mis un sac sur le dos, ne serait-ce qu'une seule fois dans leur vie, auront sans doute besoin d'un bon whisky pour bien prendre la mesure de cette folie-là. Dans leur journal, ils écrivent, à propos de cette journée estampillée "dingues furieux": "ça monte et parfois ça descend un peu". Élodie et Stéphane ont le sens de la litote.

Pour parcourir le PCT en cinq mois, avec des tels dénivelés, cela implique donc - leur GPS le confirme, ce salaud - de marcher entre 9 et 11 heures par jour. Tous les jours. Élodie et Stéphane n'ont pris que neuf zero days. C'est peu. Encore une litote. S'ils avaient pris leurs week-ends après la semaine de boulot, ils se seraient arrêtés 44 jours.

Enfin, dernier chiffre qui tue, leur vitesse de marche s'est maintenue entre 3,1 et 3,4 km/h de moyenne, tout le temps. ARRÊTS COMPRIS! Quand vous roulez à 130 km/h sur l'autoroute et que vous constatez que votre moyenne n'est en réalité que de 100 km/h, voire moins, vous percevez l'effet de la moindre pause café ou du moindre coup de frein.
3 km/h de moyenne, cela veut certainement dire qu'ils ont en réalité marché à 5 km/h. Tout le temps. Avec les dénivelés de folie mentionnés ci-dessus. Au secours! J'ai affaire à des dingues furieux!

Mais pourquoi diable ai-je cette faculté indestructible de me mettre en tête des projets complètement crétins? Je devrais apprendre, pourtant. Le dernier projet crétin m'a pris trois ans et de précieux cartilages. Le précédent m'en avait bouffé six, ainsi que de précieux neurones. Alors que j'aurais pu avoir des idées raisonnables, regarder mon gazon pousser, brosser le poil emmêlé d'Atchoum, aller m'installer à la terrasse de Daudin, à Biarritz, le p'tit pull rose en cachemire négligemment jeté sur les épaules, pour lire mon journal tout en regardant les surfeuses, des activités de mon âge, quoi.
Je suis au regret de vous confirmer que je suis bien cinglé, mari déjanté d'une Anne-Marie encore plus déjantée. J'espère seulement que je ne serai pas un cinglé imbécile, en abandonnant au bout de huit jours. Ça fait partie des hypothèses de travail, parce que du côté des cartilages et des neurones...



Non, le PCT n'est pas plat.

"Il y a quatre types idéals: le crétin, l'imbécile, le stupide et le fou. Le normal, c'est le mélange équilibré des quatre".
Umberto Eco

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