mardi 8 novembre 2011

Anges et magiciens (2e partie)


"The waving of a pine tree on the top of a mountain, a magic wand in Nature's hand, every devout mountaineer knows its power..."
John Muir

"Un pin qui ondule au sommet d'une montagne - la baguette magique dans la main de la Nature - chaque ardent montagnard en connaît le pouvoir..."







Les divers trail angels constituent un élément essentiel des rouages du PCT, en jouant un rôle de station de recharge des batteries pour les randonneurs. Les quelques guides disponibles fournissent les adresses et numéros de téléphones de ces bons Samaritains du PCT. Les Saufley ont tout de même posé des limites à l’envahissement dont ils sont victimes : leur site internet, qui porte le nom tout à fait approprié de « Paradis des randonneurs » (Hiker Heaven)  stipule qu’ils sont « ouverts » du 15 avril au 30 juin ( !), et ils s’excusent de ne pouvoir recevoir « que » 50 randonneurs par jour. Ce n’est pourtant pas grand-chose, 50 randonneurs malodorants qui viennent se vautrer chez vous chaque soir avec leurs chaussettes sales et vider votre frigo.
Ils ne sont pas seuls : les Dinsmore, les Anderson, les Person, les Heitman, Hikertown, le parcours est semé de ces merveilleux petits cailloux blancs de la bonté humaine, ces remarquables manifestations de l’incroyable solidarité à l’œuvre dans l’Église des dingues furieux.


Mais le PCT réserve d’autres surprises américaines : Trail Magic. Les magiciens. Les gens que vous ne connaissez pas, qui ne vous connaissent pas, mais qui sont là pour vous faire d’heureuses surprises anonymes. Parce que vous êtes un dingue furieux, comme eux. Ceux qui viennent vous accueillir à l’aéroport de San Diego, vous logent, et vous conduisent à Campo pour le grand départ. Ceux qui portent une glacière remplie de boissons fraîches sur le sentier, pour que les randonneurs aient la bonne surprise de l’y découvrir. Ceux qui laissent des parts de pizza à votre disposition au détour d’une forêt. Et bien sûr, ceux qui, à l’instar de Charlie Jones, approvisionnent les réserves de bidons d’eau dans le désert, pour que les randonneurs puissent trouver à boire dans les secteurs les plus arides et les plus dangereux. Tout l’éventail, apparemment inépuisable, de la bonté gratuite, la plus belle et la plus touchante, celle qui réchauffe le cœur et vous laisse parfois médusé. Muet, parce qu’il n’y plus de mots.

Photo John "Rolling Thunder" Henzell - PCT 2006



La cache de Charlie dans le désert
(Photo Chuckie "Funnybone " V. - PCT 2006)



Charlie Jones et ses amis approvisionnant la cache d'eau:


Dans cette petite vidéo de 3 minutes, un randonneur a filmé Charlie et ses amis apportant des bidons d’eau à la Third Gate Cache. Elle offre un léger parfum de ce qu’est le désert. Allez jusqu’au bout, pour comprendre ce qui se passe et voir ce qu’est une cache. Et Charlie apparaît tout à la fin, avec sa barbichette blanche.



Non contents de l’extraordinaire générosité dont ils ont fait preuve plusieurs semaines durant, les Dinsmore (www.dinsmoreshikerhaven.com) ont créé un diaporama de tous les hikers qu’ils ont accueillis cette année. Ils l’ont mis sur Youtube : à raison de deux ou trois secondes par randonneur, il dure… vingt minutes ! Et il convient de noter les surnoms (trail names) d’Andrea et Jerry : la Maman et le Papa du PCT. C’est bien ça : l’Église des dingues furieux est une secte remarquable qui génère bien plus que de la solidarité. Elle crée de l’amour.

Here's the 2 slide shows I made for our 2011 PCT hiker season. Super bunch of folks. Hugs to you all.1

First half of 2011 hiker crew.

Second half of 2011 hiker crew.

PCT MOM and PCT DAD
Andrea and Jerry Dinsmore

1. Voici les deux diaporamas que j'ai faits de notre saison de randonneurs PCT 2011. Un groupe de types formidables. On vous embrasse tous.


C'est probablement Andrea qui exprime elle-même le mieux ce merveilleux état d'esprit. Elle raconte comment ils ont entamé leur carrière de trail angels en accueillant quatre randonneurs pour la première fois. "L'odeur! Dieu du Ciel! Je n'arrivais pas à croire qu'un humain ou un animal puisse avoir une odeur aussi forte. Quoi qu'il en soit, ces gars - dont on aurait cru qu'ils avaient passé leur vie sous un pont - se sont avérés être trois avocats et un médecin. C'est comme ça que notre éducation a débuté. L'habit ne fait pas le moine. Attendez plutôt qu'ils ouvrent la bouche. La plupart du temps, ça marche. Si vous pensez que quelqu'un ne sait pas où passer la nuit... vous pourriez peut-être lui donner un coup de main. La crasse s'en va... L'amitié est éternelle."




Une anecdote pour terminer. Je ne me lasse pas de la raconter, mais ma reconnaissance est, elle aussi, éternelle.
En 1998, j’avais besoin d’aller travailler un été à Berkeley pour ma thèse. L’Université de Berkeley se trouve dans la Baie de San Francisco. Un peu paniqué par la perspective du coût du logement, j’ai envoyé un message au forum du PCT (pct-l@backcountry.net), leur demandant conseil pour trouver un logement bon marché dans le secteur de San Francisco.
Le lendemain, j’ai reçu une réponse de Bill Person, membre du PCTA, que j’ai jugée un peu sibylline. Il m’écrivait que leur maison de San Francisco serait disponible pendant tout l’été. J’ai répondu avec prudence et diplomatie, en demandant quelles étaient les conditions. Et Bill a immédiatement réagi, m’expliquant qu’il n’y avait aucune condition, qu’ils me laissaient leur maison victorienne en plein cœur de San Francisco, et qu’il ne cherchait qu’à rendre un peu de la générosité dont il avait lui-même bénéficié au cours de sa vie… de randonneur.
Bill et Molly Person m’ont accueilli chez eux, dans une magnifique maison de bois de la 22e rue. Elle avait été construite après le grand tremblement de terre de 1906. Le cabriolet était dans le garage. Ils m’ont laissé les clefs et sont partis passer l’été dans leur chalet, sur les bords du Lac Donner, à proximité du PCT. Sans RIEN demander, aucune condition ni explication, aucune contrepartie, rien. Bill m’a cependant demandé de l’excuser : leur maison était du mauvais côté de la Baie et j’allais devoir prendre le métro pour aller travailler à Berkeley.
Méditons donc tous cela.

Bill et Molly


Ah, j’oubliais! Bill et Molly Person sont aussi trail angels dans leur chalet près de Donner Pass. Eux aussi accueillent chaque année tous les chats errants et les randonneurs qui passent. Pour les distraire, ils ont même installé un mur d’escalade dans leur salon. J’y suis allé. Ils viennent de présenter leurs excuses : en 2012, ils ne seront pas là. C’est dommage. Je serais bien allé les embrasser. Chaudement.

Je disais plus haut que j’aimais les Américains. Je crois que je viens de vous fournir une raison. Plusieurs raisons, même. Si vous n’êtes jamais allés aux États-Unis, vous ignorez peut-être qu’on peut souvent s’y retrouver les bras ballants, saisi par leurs démonstrations d’hospitalité, de gentillesse et de générosité. Vous ignorez sans doute qu’on y rencontre des anges et des magiciens. Mon Amérique à moi, ce n’est évidemment pas celle de George Bush ni de la World Company…


1 commentaire:

  1. A retenir......

    "la crasse s'en va, l'amitié est éternelle".

    r.

    RépondreSupprimer