mardi 15 novembre 2011

Le compte est bon


"Mon pied droit est jaloux de mon pied gauche. Quand l'un avance, l'autre veut le dépasser. Et moi, comme un imbécile, je marche !" 
Raymond Devos





Le PCT, c'est aussi du calcul. Ça n'est pas mon fort, mais on n'y coupe pas. On a besoin d'un tableur Excel, avant de mettre les chaussures.

Je pose 4277 km sur la table,  et je considère que la fenêtre météo est raisonnablement de cinq mois. D'avril à fin septembre. Après, ça se gâte très sérieusement du côté des Cascades. Même si Fozzie a achevé son thru-hike du PCT à la mi-novembre.

Je pose 8, je retiens 4, je divise par la racine carrée de mon âge: 4277 divisé par 150 jours, j'obtiens... 28,5 kilomètres par jour. Hou la la!
Et encore, ce résultat brut de fonderie doit être affiné. Plusieurs paramètres sont à prendre en compte. Tout d'abord, je vais avoir beaucoup de mal à partir comme le Bip Bip de Tex Avery et abattre mes 28,5 km quotidiens, dès le départ. C'est un (gros) marathon. On ne part pas au sprint. Il faut permettre aux jambes de s'habituer à ce qu'on veut leur faire endurer. Pas les carboniser en trois jours.

L'autre élément crucial, c'est qu'il sera très difficile de marcher non-stop pendant 150 jours. On a besoin de se poser de temps en temps pour récupérer. Et de toute façon, il faut bien prendre le temps de ravitailler à intervalles réguliers. Ces jours où on ne marche pas sont appelés "zero days", des jours à zéro mile.
Il y a aussi des "nero days", des jours où on n'avance pas beaucoup, où on a parcouru "near zero miles", presque zéro. En termes de hikers, cela veut dire 20 km seulement, en gros.

Bon, il faut que je prenne ces petits soucis en compte. Disons une vingtaine de zero days, à la louche, même si je n'en sais en réalité rien du tout. Ce qui est sûr, en revanche, c'est qu'en retirant ces jours zéro de mon planning, j'aggrave ma situation. La Sierra Nevada et son parcours enneigé sur plusieurs centaines de kilomètres va également me ralentir sérieusement. On n'avance pas aussi vite en s'enfonçant dans la neige jusqu'aux genoux, hiboux, poux, cailloux, que sur un sentier sec. Sans compter une intéressante succession de cols de haute montagne. 4000 mètres à Forester Pass, avec la traversée du célèbre névé sommital, façon toboggan de la mort, qui peut rendre nerveux, à juste titre, et vous ralentir un tantinet:




En marchant d'un bon pas, à 5 km/h, il vous faudrait 6 heures pour parcourir vos 28,5 km théoriques. Sans compter les arrêts et le poids du sac sur le dos. Et en terrain parfaitement plat, ce qui n'est jamais le cas. Vous pouvez donc entrevoir ce qui se passe en montagne, avec des étapes nécessairement plus longues.

En outre, dans le sud californien, dans le désert torride, il est périlleux de vouloir marcher au milieu de la journée, quand le soleil est au zénith. Tiens, un autre paramètre intéressant: il est prudent de porter 7 à 8 litres d'eau dans son sac. Par jour. Il paraît que ça fait 7 à 8 kg supplémentaires. Je vais ralentir. Ah non, si je ralentis, je vais marcher plus longtemps et il me faudra davantage d'eau. Donc, je vais accélérer, si je peux. Ah non, parce que ça va aggraver ma consommation d'eau. 1,5 litres d'eau à l'heure, d'après Scott.
En conséquence, une stratégie commune est de marcher très, très tôt le matin, de s'arrêter à l'ombre d'un cactus au plus fort de la chaleur, puis de reprendre sa marche en soirée.
Certains préconisent de marcher la nuit, mais cette idée en met un bon nombre mal à l'aise. Le risque de marcher sur un serpent à sonnette est en effet beaucoup plus important. Les serpents sont des animaux à sang froid, dépourvus de thermorégulation, et ils chassent la nuit, quand il fait plus frais dans le désert. Je vais peut-être éviter de marcher la nuit, après tout...

Et si j'accepte l'idée que pendant les premières semaines (6 semaines environ pour parvenir au pied de la Sierra Nevada, à Kennedy Meadows), je serai loin, très loin du rythme d'un Scott Williamson, je commence à me gratter la tête. Je viens de prendre conscience qu'après la Sierra, ce ne sont pas 28, 5 kilomètres qu'il faudra abattre chaque jour, en montagne, mais bien plutôt... 40 ou 50.
En tout état de cause, tout ça ne laisse pas bien augurer de douces grasses matinées bien au chaud dans le duvet. Il faut partir au boulot, euh, je veux dire commencer à marcher, très, très tôt. Et s'arrêter tard. Très tard.

Disons que dès le départ, il faut être à fond, et dans la seconde moitié, il faut accélérer.





Là encore, les membres d'EDF arrivent à la rescousse. Craig Giffen a mis au point un magnifique logiciel, disponible en libre accès sur internet. (www.pctplanner.com)
C'est un calculateur de planning, qui vous permet, en entrant votre vitesse prévisionnelle et le nombre de zero days que vous envisagez, de calculer combien de jours il vous faudra pour aller d'étape en étape afin de ravitailler. Il vous dit également à quelle date vous parviendrez à Manning Park et fournit les courbes de dénivelé.

Voilà, par exemple, ce que ça peut donner, mais Craig's Planner vous fournit beaucoup plus d'informations, en réalité. Il s'agit ici du planning prévisionnel de Tequila Kid. On y trouve les distances séparant les étapes de ravitaillement et le nombre prévu de zero days. (Cliquez dessus pour le voir plus grand)


Le PCTA propose en outre, par l'intermédiaire de Jack Yates, un roadbook personnalisé du PCT. Il suffit d'écrire à Jack en lui donnant les divers paramètres personnels, date de départ, vitesse envisagée, le nombre d'heures de marche prévu par jour, etc. et Jack vous envoie votre plan détaillé. Merci EDF! Ils sont plutôt sympa, les cinglés.


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