samedi 12 novembre 2011

Vademecum du parfait petit thru-hiker, tome 1




San Felipe Valley, Californie du sud







Je n'ai pour l'heure parcouru que 200 mètres du Pacific Crest Trail, fin août, avec mon ami Roger.  Histoire de localiser les premiers serpents à sonnette. C'est déjà ça de pris. Pour ce qui est de la documentation EDF (Église des Dingues Furieux), en revanche, j'ai quelques heures de vol, depuis 15 ans.
Comme je ne suis pas chien, je vais vous faire partager le fruit de mes recherches. On pourrait de prime abord penser que ces billets ne pourront réellement intéresser que ceux qui aspireraient à être admis à EDF, quoique..., mais pour ceux-là, il se pourrait qu'ils fussent précieux. En tout cas, ils pourraient leur faire gagner du temps.
Mais tous ceux qui ont choisi de manger des burritos en regardant Discovery Channel y apprendront sans doute des choses, quand même. Intéressantes, je l'espère.







À tout seigneur tout honneur, pour commencer. La première chose à faire si on s'intéresse au Pacific Crest Trail est d'aller consulter le site du Pacific Crest Trail Association (PCTA) ET d'adhérer. C'est la moindre des choses. Ce sont les cotisations qui maintiennent le PCT en vie.
Au chapitre (très bref) de mes titres de gloire, Bob Ballou, qui était à l'époque Président du PCTA, m'avait contacté il y a quelques années pour me demander de devenir "ambassadeur" du PCTA pour la France. Et ils m'avaient invité à assister au Conseil d'Administration de l'association à Sacramento. Fier comme un bar-tabac, le Philippe, qu'il était. J'ai cependant été un tout à fait lamentable ambassadeur pendant quelques années. J'essaie de me rattraper.

Le site est riche d'informations diverses. C'est au PCTA également qu'il faut s'adresser pour solliciter un permis. En effet, on ne randonne pas dans les parcs nationaux américains une marguerite sur l'oreille. Enfin, si, on peut, mais après avoir obtenu un permis de randonnée. Différent dans chaque parc national.
C'est la base du système de protection de la nature aux États-Unis. Le nombre de randonneurs est limité par des quotas. Nous pourrions longtemps discuter du bien-fondé de cette pratique (personnellement, après avoir vu les résultats, j'y suis favorable), mais ce n'est pas l'objet du débat. 1 (voir note de bas de page)
Dans le Parc National de Yosemite, par exemple, il faut demander son permis un nombre de jours précis avant le début prévu de sa randonnée, à l'heure exacte indiquée! Pas vraiment souple, pas vraiment facile. On se rue sur les demandes de permis, au point qu'un certain nombre d'entre eux est réservé pour... ceux qui tenteront de l'obtenir sur place la veille de leur hypothétique départ, sur la base très américaine du "premier arrivé, premier servi". Coup de poker.

Youpi, vous avez de la chance, pour parcourir le PCT, vous n'avez besoin que d'un seul et unique permis et c'est le PCTA qui le délivre. Sans difficulté. Laissez passer, le personnel d'EDF arrive, écartez-vous. Comme le nombre de dingues furieux est somme toute assez limité, pas de loterie, pas de poker. Vous le demandez fin janvier, on vous l'accorde. À une condition: vous vous engagez à parcourir au moins 500 miles sur le PCT. Comme à Indianapolis, mais pas en voiture. 800 km, une paille. Au XIXe siècle, le guide pyrénéen Jacques Orteig - dit "l'animal des Eaux-Bonnes" - a parcouru cette distance à pied, de Pau à Paris, en quatre jours. Il faut dire qu'il avait fait un pari. Alors...

Pas de cuillère en titane pour Orteig...



À propos de permis, il vous en faut en réalité deux autres:
  1. Le permis de faire du feu, qui inclut le droit d'allumer votre réchaud, si vous en portez un. Il se demande sur le site du U.S. Forest Service (Campfire Permit). En réalité, il vise à s'assurer que vous connaissez les règles minimales de sécurité afin de limiter les risques de catastrophe. On vous demande de répondre à des questions dont les réponses sont fournies juste au-dessus, histoire de vérifier que vous les avez lues.
  2. Le permis de franchir la frontière  et de pénétrer au Canada, sans passer par un poste de douane. Le formulaire à remplir est disponible sur le site du PCTA. Il convient de NE PAS pénétrer au Canada si vous avez déjà été condamné pour conduite en état d'ivresse ou sous l'emprise de stupéfiants. Cela vous pourrait vous être fatal. Pourtant, à ma connaissance, on n'y entre justement pas en voiture... Bon, pour l'alcool, pas de problème. Mais il faut bien convenir que parvenir à pied au Canada est un peu stupéfiant.


Le PCTA propose en outre la documentation qui pourrait vous intéresser à propos du PCT, que ce soient les livres qui ont été publiés, ou les films. Il vous propose en outre quelque chose de beaucoup plus important, des cartes.

Dans le domaine de la cartographie, en effet, il n'y a pas pléthore. Il s'agit de fournir des cartes détaillées et fiables d'un domaine allant de la France à la Sibérie, en gros. Sans avoir besoin d'une brouette pour les transporter.
Le PCTA vend des DVD, mais les deux sources principales de cartographie proviennent de deux hikers dont les philosophies sont radicalement différentes:

Erik the Black (http://blackwoodspress.com/blog/maps-and-guidebooks) en fait commerce. Ses cartes tiennent en cinq petits (?) tomes et je dois préciser que certains hikers se sont déjà plaints d'un léger manque de précision. Je me rappelle même avoir lu le journal d'une randonneuse qui rêvait d'étrangler Erik.
J'ai les cartes d'Erik, je ne sais pas si je les utiliserai, et je ne peux émettre aucun jugement à leur sujet, si ce n'est qu'elles sont bien présentées.

Erik The Black, noir, c'est noir.



Halfmile, c'est une toute autre limonade. Avec lui, on entre de plain-pied à EDF, dans la tribu dont parlait Rolling Thunder. La générosité y est impressionnante.
Halfmile porte ce trail name parce qu'il a parcouru le PCT en relevant les "waypoints" (points de localisation) GPS tous les demi-mile (half-mile = 800 mètres). Ils les a ensuite patiemment intégré aux cartes, accompagnés de toutes sortes d'informations complémentaires importantes (les alertes sur le manque d'eau, notamment).
De Paris à Novosibirsk, en somme. En repérant tout ce qui est important le long du parcours. Tous les 800 mètres.
Et devinez quoi? Halfmile offre toutes ses cartes au téléchargement, gratuitement. Et comme il juge sans doute que ce n'est pas suffisant, il les met à jour chaque année. Gratuitement.
Halfmile doit s'ennuyer le soir, sans doute.
On imprime soi-même les cartes: ça représente tout de même une pleine rame de feuilles A4 recto-verso. Il est évidemment hors de question de tout porter. On les fractionne et elles voyagent dans la bounce box. On jette après usage. Ces cartes semblent faire l'unanimité.
Ah oui, il a également répertorié, entre autres, tous les numéros de téléphone utiles sur le PCT et tous les points d'accès au Wi-Fi. Halfmile a l'âme d'un collectionneur.

Halfmile est très discret, mais moi, je suis têtu comme un bourrin et j'ai quand même trouvé une photo de lui:
Halfmile (à droite)


Halfmile doit penser qu'on pourrait lui en vouloir de ne pas en faire assez. Donc, il gère aussi un site d'informations fraîches sur la vie du PCT. Il fournit par exemple les cartes des zones d'incendies, un fléau sur le PCT.
Tenez, par exemple, dans les dernières nouvelles, Halfmile a publié la photo de Scott Williamson à l'arrivée à Campo au terme de son record de vitesse de 64 jours, le 12 octobre dernier.

Scott au pôle sud - 12 octobre 2011
Record de vitesse du PCT: 64 jours, 11 heures, 19 minutes

Scott au pôle sud - 1911
Record de malchance



Halfmile vous explique comment paramétrer votre GPS et y entrer ses cartes et waypoints. Il a très gentiment répondu aux questions que je lui posais sur différents modèles de GPS.
Halfmile a bien sa place à EDF, chez les cinglés sympathiques. Sans lui, les choses seraient beaucoup plus compliquées.
On dit "Merci, Halfmile!"



The post-scriptum du jour:
1. À la réflexion, je dois défendre ma réputation de bavard. Et puis, la raison d'être d'un blog, c'est de blogger. Donc...
Le PCT traverse sept parcs nationaux. Et la règlementation des parcs nationaux est drastique. Et appliquée, par des rangers qui ne plaisantent pas avec les règlements. D'abord, le permis. Il vaut mieux qu'un ranger n'ait pas à vous contrôler sans permis... Et nombre de choses auxquelles nous ne prêtons pas trop attention en Europe sont interdites, ou obligatoires, c'est selon. Interdit, par exemple, de marcher à côté d'une piste qui commence à se raviner. Parce que vous aboutissez, à terme, comme nous l'avons tous vu, à créer une multiplicité de chemins parallèles, et à favoriser l'érosion. Obligatoire, de transporter une petite pelle de plastique pour creuser le "cathole", le trou  où répondre aux appels de la nature, comme ils disent. Obligatoire, de porter un bidon blindé anti-ours, pour protéger vos provisions et tout ce qui a une odeur. Non, pour protéger les ours, plutôt, parce qu'un ours qui a réussi à prendre votre nourriture devient plus aventureux, donc plus dangereux. Et il finira par être abattu par les rangers, s'il devient un ours à problèmes. Si un ours s'empare de votre nourriture, c'est votre équipement qu'on confisquera en premier, pour couronner le tout. Ces bidons, très lourds, sont obligatoires dans les zones où le comportement sauvage des ours a été perverti par leur contact répété avec l'homme. Yosemite en est la caricature et garer sa voiture sur les parkings de la vallée revient à jouer à la roulette russe. Les ours adorent glisser leurs petites griffes dans le joint des portières et les rabattre comme le couvercle d'une vulgaire boîte de conserve. Surtout s'ils ont aperçu quoi que ce soit qui puisse leur laisser penser qu'il y a de la nourriture dans le véhicule. Une poche de supermarché peut signer l'arrêt de mort de votre belle voiture. Plus d'une centaine de véhicules détruits à Yosemite chaque été.

Je sens que vous ne me croyez pas:


Ce pauvre ours a été déjà été étiqueté (au sens propre. Voir son oreille) comme "ours à problèmes". Il a un casier judiciaire. Je crains fort que ça ne finisse très mal pour lui. La gourmandise est un vilain défaut. La récidive aussi.
Non, on ne plaint pas les propriétaires de la voiture. On reproche à des crétins d'être responsables de la mort d'un ours.


Vous les voyez, les emballages qui tuent,
là où se trouvait la banquette arrière qu'un ours taquin vous a piquée?



 Certes, dans un environnement et un contexte où l'on est en droit de se sentir "libres", ces contraintes peuvent agacer. Mais je sais une chose, pour l'avoir vu: la propreté des paysages naturels, la richesse de la flore et de la faune confirment sans conteste que c'est la bonne voie.

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