"This I believe: That the free, exploring mind of the individual human is the most valuable thing in the world. And this I would fight for: the freedom of the mind to take any direction it wishes, undirected. And this I must fight against: any idea, religion, or government which limits or destroys the individual."
John Steinbeck
" En ceci je crois: Que l'esprit libre, avide de découvertes, de l'individu est ce qu'il y a de plus précieux au monde. Et pour ceci je me battrais: la liberté pour l'esprit de prendre la direction qu'il désire, sans qu'on le dirige. Et contre ceci je dois me battre: toute forme d'idée, de religion, ou de gouvernement qui entrave ou détruit l'individu".
Quittons donc un instant Google Earth et ses photos satellite ainsi que Halfmile et replongeons-nous à une époque où la cartographie était une sacrée aventure et un incroyable défi. À la demande générale (!), je voudrais vous faire partager quelques belles cartes d'Amérique du Nord. Elles vous montreront la rapide évolution des connaissances géographiques, mais elles sont aussi intéressantes par les fantasmes qu'elles laissent apparaître.
Donnée de base: qui avait-il dans l'Ouest inconnu? Autre donnée essentielle: si on va vers l'Ouest, c'est pour pouvoir faire du commerce, notamment avec la Chine et l'Asie. Pas pour faire du surf à Santa Monica. Il n'y a pas d'autoroutes, il nous faut donc le seul et unique moyen de communication, une voie d'eau pour traverser le continent et atteindre le Pacifique. Ce sera l'obsession de plusieurs siècles. Le fantasmatique "Passage du Nord-Ouest".
Il est au centre des préoccupations, dans cette carte rêvée, plutôt que dessinée, de Jonathan Carver, en 1778. Non seulement on a un passage du Nord-Ouest qui n'existe en réalité pas, tel une autoroute, entre la Baie d'Hudson et l'Asie, mais il y a plus fort encore. Carver invente l'aéroport deux siècles en avance! Dans les "Montagnes Étincelantes", les Rocheuses, il y a un sommet d'où descendent dans toutes les directions fleuves et rivières. C'est un hub aéroportuaire, en quelque sorte. Donc, c'est simple. Pour circuler et commercer en Amérique, il suffit de remonter certaines rivières vers ce sommet, puis de redescendre, par d'autres rivières dans la direction qui vous intéresse. Vachement pratique. Et oui, il y a bien un fleuve qui va jusqu'au Pacifique. Ce n'est pas Oregon River, mais la Columbia. Mais elle ne coule pas en ligne droite depuis les Rocheuses, manque de pot.
En réalité, il y a une certaine "logique" dans ce dessin. On connaissait d'abord les côtes, les premières à être reconnues par les explorateurs. Ils découvrent une embouchure de fleuve et on extrapole sur son cheminement. D'ailleurs, sur cette carte, on peut même se demander si ce qu'il appelle "De Fonte's Entrance" n'est pas en réalité l'embouchure de la Columbia, et son embouchure de l'Oregon la Baie de San Francisco... Ou alors, De Fonte's Entrance serait le bras de mer qui sépare l'île Victoria de Vancouver.
En réalité, il y a une certaine "logique" dans ce dessin. On connaissait d'abord les côtes, les premières à être reconnues par les explorateurs. Ils découvrent une embouchure de fleuve et on extrapole sur son cheminement. D'ailleurs, sur cette carte, on peut même se demander si ce qu'il appelle "De Fonte's Entrance" n'est pas en réalité l'embouchure de la Columbia, et son embouchure de l'Oregon la Baie de San Francisco... Ou alors, De Fonte's Entrance serait le bras de mer qui sépare l'île Victoria de Vancouver.
1778
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Mais la même année, cependant, on trouvait des cartes tout de même plus précises, même si celle-ci est bien floue en ce qui concerne les montagnes de l'Ouest. Quant à la Columbia, des explorateurs ont bien dû en parler, parce qu'elle est encore là, en pointillé, sous le nom de Rivière de l'Ouest (River of the West).
1778
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On a ci-dessus, dans ce détail de la carte, la confirmation de ce que je disais concernant les rapports faits par des navigateurs: vers ce qui ressemble à l'île de Vancouver, il y a "Découvert par Juan de Fuca", et "Découvert par Aguilar". Et plus bas, "Là où Francis Drake a séjourné 5 semaines", ce doit être la Baie de San Francisco.
Le pétrole du début du XIXe siècle, en Amérique, c'était le commerce des peaux de castor, avec lesquelles on fabriquait les chapeaux. Oui, oui. Ne cherchez pas, savoir où chasser le castor, c'était la fortune assurée. Les chapeaux en castor, c'était la grande mode en Europe. On était un plouc sans son chapeau en castor. Je ne parle pas du chapeau de Davy Crockett. En réalité, on récupérait le duvet caché sous les poils de la peau de castor, et on en faisait un feutre pour faire des chapeaux. Il y avait des conflits internationaux à propos des castors et des territoires où les trappeurs pouvaient le chasser.
Cette carte de 1790 en est l'écho. Qu'est-ce qui intéressait le plus les explorateurs à cette époque? Le réseau de lacs et de rivières du nord des États-Unis actuels et du Canada, là où on avait des chances de trouver des castors. Au point que tout le reste a disparu. Mais pour le réseau hydrographique, super fort, le mec!
1790
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La carte de Soulard, elle est émouvante, du fait des nombreux commentaires qu'il y ajoute, en 1795. Je ne sais pas si en cliquant, vous aurez une définition suffisante pour bien les voir. Moi, ce qui me fait marrer, c'est qu'il s'est planté deux fois en écrivant le titre! "topographiue" et il ajoute le "q" manquant au-dessus. Idem pour les "Hauts", qu'il orthographie "Huts". Bon sang! J'ai oublié le A!! On imagine sa colère! Les ordinateurs, ça a du bon, quand même.
Pour ce qui deviendra la Californie, on a plusieurs mentions "pays inconu" [sic]. Mais plus globalement, sa cartographie est largement folklorique et les Rocheuses deviennent les "M. de Roche vue par maqkay". La carte repose d'ailleurs sur des descriptions rapportées par divers voyageurs. Ils avaient quand même compris que le Missouri était un grand affluent du Mississippi qui venait du grand Ouest. C'est bien sûr une carte française de la Louisiane, cette immense tranche centrale des futurs États-Unis que Napoléon leur vendra. Les Américains y découperont... 13 États.
1795
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"The" carte de l'Amérique au début du XIXe siècle. Dessinée par un grand cartographe, Aaron Arrowsmith. La référence. C'est avec ça qu'on va se lancer dans l'exploration de l'Ouest. Bon courage! Y a du boulot!
Mais cette carte est extraordinaire à plus d'un titre. Elle est magnifiquement dessinée et mentionne, en pointillé, un fleuve mythique qui descendrait vers le Pacifique. Youpi! Arrowsmith l'appelle Oregan, qui deviendra l'Oregon, mais c'est bien de la Columbia qu'il s'agit. Et depuis les Rocheuses, indique-t-il de manière émouvante, "Les Indiens disent qu'ils dorment huit nuits pour descendre ce fleuve jusqu'à la mer"! Encore trois dodos, et le Père Noël va passer...
Évidemment, les Espagnols sont déjà sur la côte californienne et la carte y est plus précise. Mais entre le Mississippi, grosso modo, et la côte Pacifique, il y a encore une grande flaque blanche.
1795
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Pour circuler, il faut impérativement des voies d'eau. C'est bien ce qui transparaît sur cette carte de 1800. Le réseau est correct; sa situation géographique réelle, c'est une autre histoire. Les montagnes, on s'en fout, ce qu'il nous faut, c'est de l'eau. On sent encore l'obsession des castors.
1800
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Et la révolution, elle a eu lieu, ça y est. Entre 1802 et 1804, l'expédition de Lewis et Clark — qui font des thru-hikers des tout petits joueurs, à côté d'eux — va partir à la recherche du passage du Nord-Ouest, et atteindre le Pacifique en franchissant les Rocheuses et en descendant la Columbia. Un exploit inimaginable dans des régions totalement inconnues. Une très longue histoire. Le voyage d'exploration fondateur de l'histoire américaine. Ils ouvrent les portes de l'Ouest. Le plus révélateur et spectaculaire est la carte qu'ils dessineront à leur retour, d'une précision phénoménale. On a même posé une carte satellite sur la leur et elles concordent de manière quasi parfaite. La grande question est de comprendre comment ils ont pu faire des relevés topographiques aussi précis avec des instruments, et dans des conditions, quelque peu rustiques.
Et ce n'est pas un arrondissement de banlieue qu'ils ont cartographié. La carte ci-dessous couvre plusieurs milliers de kilomètres. Phé-no-mé-nal! Comparez avec la carte au-dessus.
1814
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Je ne résiste pas au plaisir de vous montrer un détail, le nord du Pacific Crest Trail et l'embouchure de la Columbia. Lewis et Clark précisent même le nombre d'habitants de tous les villages indiens! Une boulette, cependant, la plus grosse: ils indiquent un énorme affluent de la Columbia vers le sud, et qui traverse la Chaîne des Cascades, qu'ils nomment Multnomah. Cette rivière n'existe tout bêtement pas. Du moins pas sous cette forme. Les volcans, en revanche, y sont: Mt Regniere (Rainier), Mt St. Helens, Mt Hood, Mt. Jefferson.
Bande-annonce du très beau film produit par le National Geographic sur Lewis et Clark:
Carte française de Lesage en 1829. C'est une carte que j'ai la chance de posséder. Une merveille, en particulier du fait de certains commentaires... Il indique en rouge l'itinéraire de Lewis et Clark. En plus, ils ont fait, comme Scott Williamson, un "yo-yo": aller et retour. Trop forts, Lewis et Clark!
Pour l'Ouest: "Ces beaux pays sont encore à peine habités".
Et du côté de l'Alaska: "Il erre dans toutes les directions une foule de peuplades indigènes de même race sous diverses nuances physiques et morales estimée pour l'hémisphère nord à 500 mille individus".
La Californie: "Pays ravissant, vignes, oliviers, froment". Super, on va partir s'y installer.
Et la Multnomah fantômatique y est toujours. C'était plus simple de reproduire des erreurs que d'aller vérifier sur place si elle existait réellement. Gros plantage, également, concernant le fleuve sensé traverser la Californie, "Carmelo ou S. Felipe". C'est la Sacramento / San Joaquin, mais elles n'ont pas ce parcours. La Sierra Nevada aussi s'est évaporée. Bonne nouvelle pour le Pacific Crest Trail.
Mais en ce qui concerne la topographie générale du continent, ils sont au point.
En 1829, la France a vendu la Louisiane, elle s'est donc retirée du grand jeu impérialiste en Amérique. Il reste les Anglais, les Russes et les Espagnols. Et les Américains. Ils achèteront l'Alaska aux Russes. Il ne restera plus qu'à attaquer le Mexique pour leur prendre le reste, et le tour est joué. Les Indiens? Euh... allez, hop! Dans les réserves!
1829
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On compare avec une carte moderne:
© National Geographic
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