Quoi de plus parlant, et de plus émouvant, que de vous livrer cette lettre écrite par un mineur au moment de la ruée vers l'or en Californie?
Reportage en direct de notre envoyé spécial dans la Sierra Nevada... Traduction, of course, par mes soins.
Lettre de William Swain, des mines de Californie, 6 janvier 1850
Branche sud de Feather River
25 miles de Long's Trading Post, et 16 miles au-dessus de Bidwell's Trading Post
Mon cher George,
[...]
George, Laisse-moi te dire que cette vie de mineur dans les montagnes est une vie de chien. Un homme doit se transformer en mulet pour charrier des charges dans des montagnes que Dieu n'a jamais conçues pour cela, en barbare en renonçant à tout confort d'une vie civilisée, en païen en se privant de toute communication avec les autres hommes, en-dehors de son entourage immédiat.
Tu pourras juger de mon état d'esprit quand je t'aurai dit que je n'ai eu aucune possibilité de récupérer lettres ou journaux de Sacramento, de sorte que je n'ai aucune nouvelle de la maison depuis que j'ai reçu ta lettre à Independence. Je n'ai pas lu un seul journal depuis que j'ai quitté les États-Unis.
Sutter's Fort a changé de nom. Il s'appelle maintenant Sacramento et au départ de San Francisco, le courrier doit être adressé là-bas. Je souhaite que tu m'y envoies ton courrier, parce que mes affaires peuvent m'appeler à m'y rendre souvent cet été. Si ce n'est pas le cas, je peux récupérer mes lettres, parce qu'il y a des gens qui y vont tous les quinze jours et je peux demander qu'on me rapporte mon courrier.
On avait envisagé que tu viennes dans ce pays. Au nom de Dieu, n'y pense même pas. Reste chez toi. Dis à tous ceux que tu connais qui envisageraient de venir qu'il leur faudrait tout sacrifier et affronter toutes sortes de dangers. En effet, George, des milliers d'hommes ont laissé, et vont laisser, leurs ossements sur le chemin pour venir ici. Dis bien à tous que leur vie est en jeu s'ils tentent de traverser les plaines et ces montagnes infernales. Dis à Playter de ne plus penser à ce voyage. Quant à toi, reste chez toi, parce que si ma santé reste bonne, je peux récupérer suffisamment pour nous deux.
[...]
Tu es sans doute curieux de savoir où nous sommes et comment nous sommes logés. Notre maison est une cabane en rondins de 6 mètres par 4. Elle est couverte de branches de cèdre et les murs sont en rondins de pin de de 30 à 60 cm de diamètre, de sorte qu'elle est bien solide. Elle a une bonne porte de planches de cèdre, mais pas de fenêtre. Elle fait face au sud et se trouve sur le côté nord de la rivière. À l'extrémité est, il y a une cheminée dans laquelle des buches brûlent en permanence. À l'ouest, un cadre de lit encastré dans les rondins sur toute la largeur. Le sommier est fait avec des lanières de peau qui sont entrecroisées tous les 8 centimètres. C'est assez résistant pour y empiler des branchages récupérés dans la montagne, en guise de plumes. On y met des peaux de bison et des couvertures par-dessus. Ça fait un lit assez confortable. Sur le manteau de la cheminée se trouvent nos fusils, toujours chargés. Ils nous fournissent le gibier. Dans l'autre coin, il y a un placard et tous nos biens, quelques plats en bois ou en métal, des bouteilles, couteaux, fourchettes et cuillères, une poêle, et la cafetière.
À 10 heures du soir, tu verrais un grand feu dans la cheminée, Hutchinson et moi à une extrémité du lit, le lieutenant Cannon à l'autre, et Moore sur sa couchette. Sur le toit, la pluie incessante crépite, et le torrent qui écume hurle un requiem en se jetant dans la vallée.
[...]
La vitesse à laquelle ce pays se peuple n'a d'égale que la rapidité à entreprendre des Yankees. Il y a trois semaines, un seul bateau à vapeur faisait la navette dans la baie de San Francisco, et un seul également naviguait sur la Sacramento. Aujourd'hui, quatre bateaux font le trajet entre San Francisco et Yuba City, et la farine qui se vendait 75 cents la livre vaut maintenant 40 cents.
Quand nous avons trouvé ce torrent, il n'y avait pas plus de six logements alentour. Maintenant, dans un rayon de 15 kilomètres, 150 cabanes ont été construites.
Le peau-rouge qui, il y a 4 mois, se promenait nu, maître incontesté de ces montagnes et vallées, peut dorénavant être aperçu en haut des collines en train de contempler avec surprise les scènes qui se déroulent sous ses yeux — les constructions de maisons, de canaux ou de barrages. Le son de la hache, de la pioche et de la batée sont nouveaux pour lui, et lui offrent un spectacle auquel il n'a jamais été habitué.
Les indigènes de ces montagnes sont sauvages, ils vivent dans de petites huttes de branchages et se déplacent aussi nus qu'à leur naissance. Ils se nourrissent de glands et du gibier qu'ils peuvent tuer avec leurs arcs et leurs flèches. Ils sont de petite taille, et d'un tempérament timide et stupide. Quand ils rendent visite aux camps de mineurs, ils sont timides et amicaux. On les accuse parfois de la mort d'un mineur, quand ils en ont trouvé un qui chassait seul. Les mineurs, généralement originaires d'Oregon, se rendent souvent coupables des actes les plus brutaux avec les Indiens, comme de tuer les femmes et les enfants. J'ai eu connaissance d'incidents qui feraient pleurer l'humanité toute entière et les hommes désavouer leur race.
[...]
Explique à Monsieur Burge que le climat de ces mines nécessite une constitution de fer. Pendant la saison des pluies, il arrive souvent que ce soit humide, froid et gris, pendant des semaines. Le labeur pour trouver de l'or est exténuant. Beaucoup sont malades, car dans la plupart des mines, des tentes sont les seuls abris des mineurs. Mais en étant prudent, je pense pouvoir garder la santé.
Transmets mon amour à Sabrina et embrasse le petit Cub pour moi.
Au revoir, George.
William
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