John Muir
"Quand j'avais onze ans, je pouvais réciter tout le Nouveau Testament de mémoire, ainsi qu'environ les deux-tiers de l'Ancien Testament. Apprendre par cœur constituait l'essentiel de l'enseignement en Écosse à cette époque. Les professeurs n'avaient pas entendu parler de psychologie, ni de toutes ces autres "ologies" dont on saupoudre l'enseignement de nos jours. Ils n'avaient qu'une seul théorie: ils avaient découvert par expérience qu'il y a une connexion inexpliquée entre la mémoire et la peau, et qu'en irritant la peau, on stimule la mémoire. On nous a donc fait apprendre le Catéchisme et la Bible et Milton à coups de canne, et la plus grande partie est restée gravée dans ma mémoire".
Émerveillé, ou déprimé? J'hésite, face à cette délicieuse vidéo de 10 minutes de John Dittli. John est photographe, un drogué du John Muir Trail à propos duquel il a publié un très beau livre. Je peux comprendre ce type d'addiction. J'ai souvent dit que j'avais vu sur le John Muir Trail certains des plus beaux paysages que j'aie vus de ma vie. Si vous consultez son site, vous aurez accès (dans Portfolio) à quelques très belles photos.
Or donc, John vient de mettre en ligne cette superbe vidéo. Ils ont parcouru le John Muir Trail très récemment, afin d'aller patiner sur les lacs. L'avantage, c'est que les ours hibernent, et qu'il n'y a pas de moustiques... Cela suscite néanmoins plusieurs remarques, outre le vague malaise que je ressens de les voir patiner sur ces vitres dont on se demande quelle est leur solidité réelle.
Ça me rappelle d'ailleurs un épisode du raid en traîneau à chiens, au Canada. Nous avons traversé un très long lac gelé, sur une vitre noire. Il faut savoir que les chiens de traîneau sont génétiquement conçus pour tirer. Ils ne savent faire que ça, tirer, comme des brutes. Au point que pour les maintenir à l'arrêt, on plante une ancre dans la neige, ou on amarre le traîneau à un arbre, comme un bateau. Dès qu'on les libère,... ils tirent. Il n'y a pas de position "point mort" sur les chiens. Ils n'ont que la marche avant. Ils décollent (littéralement) comme des avions de chasse, et il faut être attentif pour ne pas être laissé sur place, le cul dans la neige. En outre, mes chiens ne savaient faire qu'une chose, suivre leur maître. Et il était parti assez loin devant moi, puis avait disparu au détour d'une courbe du lac. Et tout d'un coup, ô stupeur, les chiens qui l'avaient perdu ont fait demi-tour, déroutés, puis se sont arrêtés net, sur la vitre, que je voyais parcourue de longues lignes de fracture.
Sensation EXTRÊMEMENT désagréable. Aucun moyen d'amarrer le traîneau. Je voulais les remettre dans la bonne direction et pour cela, il aurait fallu descendre du traîneau... et donc lâcher le frein, une lame métallique dentelée sur laquelle on appuie de toutes ses forces pour l'enfoncer dans le sol, quand c'est possible. Et s'ils avaient redémarré en trombe comme ils savent le faire, je restais... sur le carreau. J'ai passé de très longues minutes, comme un con, au milieu du lac, à attendre que le guide se rende compte que je n'étais plus là et fasse demi-tour.
Je peux donc confirmer que se trouver sur la glace d'un lac gelé peut générer une certaine angoisse.
Des remarques, après cette digression... Quel bavard, quand même! Je vous rappelle tout d'abord, pour ceux qui ne suivraient pas bien, que le John Muir Trail est une partie du Pacific Crest Trail. En réalité, le John Muir Trail, qui parcourt le tronçon central de la Sierra Nevada sur près de 340 kilomètres, est bien plus ancien que le PCT. Et lorsque la décision a été prise de "créer" le PCT, on a essentiellement relié des sentiers existants. La seule "différence" est que le JMT se parcourt généralement en été, quand la neige a fondu, du nord au sud. De la Vallée de Yosemite au sommet du Mont Whitney.
John et ses compagnons l'ont parcouru en hiver. Et nous avons une nouvelle fois confirmation de la très surprenante configuration de cet hiver-ci. Il n'y a pratiquement pas de neige. Or, le JMT est régulièrement à plus de 3000 m d'altitude.
Autre remarque, évidemment: la jubilation de me dire que dans quelques mois, je passerai par ces paysages merveilleux, que je connais pour y être déjà passé, en 1996 et 1998.
Émerveillé, parce que les images sont très belles, et de qualité exceptionnelle (toujours la rengaine, et la question, du poids du matériel à porter). Déprimé, parce que je me demande si je parviendrai à faire d'aussi belles vidéos. Mais je vais en faire...
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