"If you're not busy being born, you're busy dying."
Bob Dylan
"Si vous ne consacrez pas votre temps à renaître, vous le consacrez à mourir".
Paul Bogard, "Night Rise on the Pacific Crest Trail", in The Pacific Crest Trailside Reader, The Mountaineers' Books, Seattle, 2011.
"Pour moi, les meilleurs tronçons du Pacific Crest Trail sont liés à l'obscurité. Parlons-en, d'un endroit où passent peu de gens! On estime que 90% de la population d'Amérique du Nord et d'Europe vivent dans des endroits pollués par la lumière, que deux-tiers des Américains n'ont plus l'expérience d'une vraie nuit (c'est-à-dire d'une véritable obscurité) là où ils vivent, et que les enfants nés aux États-Unis de nos jours n'ont qu'un chance sur dix de voir la Voie Lactée au cours de leur vie. Bien que la plupart d'entre nous randonnions sur le PCT à des heures où le soleil nous accompagne, un des plus merveilleux cadeaux de ce parcours est une expérience autrefois courante, mais qui est devenue rare: l'obscurité d'une nuit non altérée par la lumière artificielle.
J'avais autrefois tellement peur du noir! J'ai grandi dans la banlieue de Minneapolis, et mes parents ne faisaient pas de camping. Nous passions nos été dans une cabane du nord du Minnesota, ce qui était super pour observer les étoiles, mais n'était d'aucune utilité vis-à-vis de ma peur du noir. Les bois étaient souvent tellement obscurs que je ne voyais pas ma main, et il n'aurait pas été possible de me les faire traverser à pied. Je restais sur le perron et m'émerveillais du déploiement d'étoiles au-dessus de moi, puis je tournais les talons pour rentrer dans la maison bien illuminée. Mais en vieillissant, j'en ai appris davantage sur les étoiles, et j'ai compris à quel point l'obscurité était essentielle pour les voir. Et à partir de là, j'ai compris l'importance de l'obscurité pour les animaux, les oiseaux, et les insectes qui vivent dans les bois. Mais aussi à quel point l'obscurité est importante pour notre santé — spirituelle, mentale, et physique. Quand je suis parti m'installer dans l'Ouest et j'ai commencé à randonner en montagne, mon attitude envers l'obscurité avait changé. Je ne dirai pas que ma peur avait disparu, mais elle avait été tempérée par le respect — et depuis, j'ai appris à savourer les ténèbres.
Une des choses que j'aime le plus avec les sentiers est la possibilité de d'accorder aux rythmes de la nature — s'éveiller à l'aube, observer le soleil au lieu d'une montre, savourer le lever du crépuscule. C'est exact, on a l'habitude de dire que la nuit tombe, mais en réalité, la nuit se lève à l'est pour inonder la terre. Ce que nous appelons la nuit n'est que l'ombre de la terre projetée à des dizaines de millions de kilomètres dans l'espace. Cette ombre est notre fenêtre vers le ciel, notre billet d'entrée vers les merveilles de la nuit. Quand je randonne et que le monde entre dans cette ombre, je m'accoutume au lever de la nuit à la vitesse de nos ancêtres. Au lieu d'allumer immédiatement une lampe et de passer ma nuit à l'intérieur, je reste dehors pendant le changement progressif de luminosité. Il arrive souvent que ce changement progressif s'accompagne de changements en moi — un ralentissement, une résonance croissante de sens autres que le vue. Il m'apparaît souvent que, de nuit, le monde ralentit et rétrécit, et que je suis renvoyé à des temps anciens où la planète n'était pas envahie par les hommes, les hommes, les hommes, avec leurs désirs et leurs envies. Le simple fait d'être sur le sentier m'éloigne de ce monde, bien sûr, mais la nuit, cette impression s'accroît. La plus grande partie de l'histoire humaine s'est déroulée sans lumière électrique, le temps passé à nouveau dans les ténèbres me paraît naturel et adéquat.
Je ne veux pas mentir — je peux encore être effrayé par la nuit plus souvent que je ne le voudrais. Mais cela m'arrive plus souvent en ville, ou lorsque je quitte une maison bien éclairée. Je ne crains pas l'obscurité quand je marche et campe, quand je suis intégré au rythme naturel du jour, quand je fais partie de la nuit.
Quand vous faites partie de la nuit, quand vous êtes dehors avec elle, plutôt que caché dans une quelconque boîte éclairée où vous passez la plupart de votre temps, vous sentez que la vie et ses créatures vous entourent. Vous les voyez parfois (les vers luisants), vous les entendez (les chouettes), ou même vous les sentez (les putois). Et ça me va bien. Une fois que vous avez découvert la vie nocturne et crépusculaire des oiseaux, des mammifères, des reptiles, des insectes, des amphibiens, vous mesurez l'importance de la nuit pour la vie sauvage et à quel point il est vital que nous protégions cette obscurité pour le bien-être de formes de vie autres que la nôtre."
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