Je suis allé prendre mon p’tit déj, comme
dirait Anne-Marie, au Pine House Café & Tavern. L’attrait de la cheminée et
d’un bon breakfast. Ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est qu’ils aient un
réseau wi-fi auquel ils me permettent de me connecter, bien que leur forfait
soit fonction de la consommation de données. La phénoménale gentillesse
américaine, encore et encore. Je ne sais pas comment vous expliquer ça, il faut
y venir pour comprendre. Et évidemment, c’est un peu mieux si vous parlez
Anglais. Mais que la vie est douce chez des gens chaleureux, généreux,
attentionnés, et bien élevés (vous ne POUVEZ PAS croiser quelqu’un sans qu’il
ou elle vous dise “bonjour”, voire plus, avec un grand sourire)! L’incompréhensible
paradoxe de cette société où la violence peut être terrifiante, mais dans
laquelle les relations sociales sont empreintes d’une extraordinaire douceur.
Je le dis, je le répète, nous sommes des sauvages frustes quand on voit la
manière dont les Américains se traitent les uns les autres. Ça ne paraît
pourtant pas si compliqué que ça que d’avoir du respect et des égards pour son
prochain.
Le réseau wi-fi est bien meilleur que celui
du lodge, qui semble par ailleurs avoir rendu l’âme, et j’ai l’immense plaisir
de pouvoir parler en vidéo avec mes proches, Anne-Marie, Edith, mes enfants… Ça
fait du bien.
Je leur explique la situation, mais aussi
que j’ai bon moral (c’est clair, la gentillesse universelle aide beaucoup) et
que l’idée de renoncer ne m’effleure même pas. En revanche, le corollaire
abracadabrantesque de parvenir à pied au Canada est absolument inconcevable.
Peu importe, je m’en fous, ce qui compte, c’est l’aventure incroyable que j’ai
commencé à vivre. On verra jusqu’où elle me mènera. Ça a démarré fort, très
fort, et j’ai déjà une montagne de souvenirs dans la tête en à peine cinq
jours.
Hot Wing est tenté de partir aujourd’hui.
Ça paraît pourtant une folie. Alaska reste jusqu’à demain, je n’ai pas encore
vu Drew ni Running Wolf ce matin. Ce dernier me disait tout de même hier
qu’après la première nuit sous les trombes d’eau à Lake Morena, il avait
compris que son choix d’un sac de bivouac n’était pas le bon et il va acheter
une tente. Chacun apprend, chacun fait ses ajustements. J’ai bien allégé mon
sac, peut-être de manière excessive, on verra, mais il n’en reste pas moins que
je vais repartir d’ici avec 8 kg d’eau et 4 kg de nourriture.
Les thru-hikers vous proposent d’ailleurs,
et c’est assez révélateur de leur état d’esprit et de la solidarité, de faire
pour vous ce qu’ils appellent un “shake-down” de votre sac: en clair, un
randonneur expérimenté prend votre sac, le vide et bazarde tout ce qu’il juge
superflu, avec un regard débarrassé de préconçus et d’affectivité. La loi
brutale de la marche ultra-longue distance. Southern me l’a proposé à Lake
Morena, mais je pense y être à peu près parvenu tout seul. Ça m’aurait ennuyé
qu’il jette le Nikon dans une poubelle! J’ai deux luxes, en effet, le portable
et le p’tit appareil photo jetable, comme dit Anne-Marie. Sans le portable,
formidable outil, je n’aurais toujours pas pu publier la moindre nouvelle,
parce que je n’ai tout bêtement pas vu le moindre ordinateur… Mais je le
concède, au train où vont les choses, Balzac va pouvoir aller se rhabiller,
avec sa Comédie Humaine: je vais l’enfoncer, c’est sûr, du moins au nombre de
mots. Et l’appareil, ben, quand je pourrai commencer à mettre des photos en
ligne, vous jugerez sur pièces. Mais je me régale, c’est une merveille.
Je redémarre demain matin dimanche, quoi
qu’il arrive. Pourtant, la fin d’alerte de 11 heures est passée, mais il neige
toujours. Le sentier va être brutal, parce que la neige ne fondra pas d’ici
demain matin. Le plus important, c’est que le vent tombe, parce qu’il pourrait aisément
nous éjecter de la corniche. Ce serait regrettable, j’ai encore beaucoup de
choses à voir. Une autre difficulté à l’horizon blanc: trouver le sentier, qui
est dorénavant enterré sous la neige.
Je vous confirme que pour les dix jours à
venir, en gros, je n’aurai plus aucun moyen de vous tenir au courant de mes
démêlés avec le wilderness américain. Il se pourrait qu’à Idyllwild, j’aie des
choses à raconter. Prévoyez un week-end de lecture…
Votre soutien est capital et les messages
que je reçois sont essentiels pour maintenir le moral au très haut
niveau auquel il doit rester pour affronter les quelques menues difficultés que
le Pacific Crest Trail offre avec munificence aux tarés qui viennent s’y
promener. Merci à tous ceux qui m’écrivent, même si je ne répondrai pas
forcément individuellement (Fred, Audrey, Paulo…). Merci également à ceux qui
se sont inscrits comme membres du blog. Allez, un beau geste, faut qu’on fasse
péter les compteurs, chez Google! Je ne peux pas arriver au Canada tout seul.
On doit être une équipe qui gagne!
Le
cinglé du jour:
En 2000, je crois, de mémoire, Brian
Robinson a accompli la triple couronne en UNE SEULE année civile. Qu’est-ce que
ça veut dire?
Ça veut dire qu’il a parcouru le Pacific
Crest Trail (4300 km), le Continental Divide Trail (plus de 5000 km) et l’Appalachian
Trail (près de 4000 km) entre le 1er janvier et le 31 décembre de la même
année. Les trois à la suite, avec les menues contraintes des saisons. Ça dépasse l’entendement, et ça n’a jamais été
renouvelé. Pas vraiment surprenant, non?
Dernière minute:
13 heures. J’aperçois un bout de ciel bleu
et les stalactites devant ma fenêtre commencent à fondre. Alleluia! Des enfants
rient et crient en faisant de la luge devant moi. Bon, je vais écrire à la
météo pour me plaindre: ils ont deux heures de retard. C’est quoi, ce bordel?
Un p'tit café pour Philippe au magasin de Mount Laguna.
Encourager ? ... je veux bien, mais pas un thru hiker qui reste le cul au chaud au lodge de Mount Laguna !!! Allez, en route ... Et pas en voiture avec la postiere, c'est quoi ce travail ! Polaire, doudoune et rechaud sur le dos, et en route ! Au pire, il y a la petite ville de Julian dans 48km. Tu n'en parles pas ... C'est pas mal pourtant. Dans deux jours max, c'est le beau temps ! Bon courage. A bientot. NB : la montagne, c'est la montagne, dans le sud californien ou non, nous, la doudoune, on l'a eu dans le sac pendant les 5 mois, c'est trop con de rester bloquer par manque d'equipement ... Et pour gagner 300 gr ! ON Y CROIT, ON EST AVEC TOI !
RépondreSupprimerOK, then, off and away!!You are constantly in our thoughts, I chide myself as I put on a sweater in our sunny temps...I will anxiously await your next words-
RépondreSupprimerC'est toi qui nous disait que rêver d'un gateau ce n'était pas manger un gateau mais rêver de voyage c'est déjà voyager; alors je marche avec toi le soir dans mon lit douillet quand je prends des nouvels. Courage, le Canada n'est pas loin
RépondreSupprimerJean-François