samedi 14 avril 2012

14 avril Mount… vous savez, quoi




Je suis allé prendre mon p’tit déj, comme dirait Anne-Marie, au Pine House Café & Tavern. L’attrait de la cheminée et d’un bon breakfast. Ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est qu’ils aient un réseau wi-fi auquel ils me permettent de me connecter, bien que leur forfait soit fonction de la consommation de données. La phénoménale gentillesse américaine, encore et encore. Je ne sais pas comment vous expliquer ça, il faut y venir pour comprendre. Et évidemment, c’est un peu mieux si vous parlez Anglais. Mais que la vie est douce chez des gens chaleureux, généreux, attentionnés, et bien élevés (vous ne POUVEZ PAS croiser quelqu’un sans qu’il ou elle vous dise “bonjour”, voire plus, avec un grand sourire)! L’incompréhensible paradoxe de cette société où la violence peut être terrifiante, mais dans laquelle les relations sociales sont empreintes d’une extraordinaire douceur. Je le dis, je le répète, nous sommes des sauvages frustes quand on voit la manière dont les Américains se traitent les uns les autres. Ça ne paraît pourtant pas si compliqué que ça que d’avoir du respect et des égards pour son prochain.

Le réseau wi-fi est bien meilleur que celui du lodge, qui semble par ailleurs avoir rendu l’âme, et j’ai l’immense plaisir de pouvoir parler en vidéo avec mes proches, Anne-Marie, Edith, mes enfants… Ça fait du bien.
Je leur explique la situation, mais aussi que j’ai bon moral (c’est clair, la gentillesse universelle aide beaucoup) et que l’idée de renoncer ne m’effleure même pas. En revanche, le corollaire abracadabrantesque de parvenir à pied au Canada est absolument inconcevable. Peu importe, je m’en fous, ce qui compte, c’est l’aventure incroyable que j’ai commencé à vivre. On verra jusqu’où elle me mènera. Ça a démarré fort, très fort, et j’ai déjà une montagne de souvenirs dans la tête en à peine cinq jours.

Hot Wing est tenté de partir aujourd’hui. Ça paraît pourtant une folie. Alaska reste jusqu’à demain, je n’ai pas encore vu Drew ni Running Wolf ce matin. Ce dernier me disait tout de même hier qu’après la première nuit sous les trombes d’eau à Lake Morena, il avait compris que son choix d’un sac de bivouac n’était pas le bon et il va acheter une tente. Chacun apprend, chacun fait ses ajustements. J’ai bien allégé mon sac, peut-être de manière excessive, on verra, mais il n’en reste pas moins que je vais repartir d’ici avec 8 kg d’eau et 4 kg de nourriture.
Les thru-hikers vous proposent d’ailleurs, et c’est assez révélateur de leur état d’esprit et de la solidarité, de faire pour vous ce qu’ils appellent un “shake-down” de votre sac: en clair, un randonneur expérimenté prend votre sac, le vide et bazarde tout ce qu’il juge superflu, avec un regard débarrassé de préconçus et d’affectivité. La loi brutale de la marche ultra-longue distance. Southern me l’a proposé à Lake Morena, mais je pense y être à peu près parvenu tout seul. Ça m’aurait ennuyé qu’il jette le Nikon dans une poubelle! J’ai deux luxes, en effet, le portable et le p’tit appareil photo jetable, comme dit Anne-Marie. Sans le portable, formidable outil, je n’aurais toujours pas pu publier la moindre nouvelle, parce que je n’ai tout bêtement pas vu le moindre ordinateur… Mais je le concède, au train où vont les choses, Balzac va pouvoir aller se rhabiller, avec sa Comédie Humaine: je vais l’enfoncer, c’est sûr, du moins au nombre de mots. Et l’appareil, ben, quand je pourrai commencer à mettre des photos en ligne, vous jugerez sur pièces. Mais je me régale, c’est une merveille.

Je redémarre demain matin dimanche, quoi qu’il arrive. Pourtant, la fin d’alerte de 11 heures est passée, mais il neige toujours. Le sentier va être brutal, parce que la neige ne fondra pas d’ici demain matin. Le plus important, c’est que le vent tombe, parce qu’il pourrait aisément nous éjecter de la corniche. Ce serait regrettable, j’ai encore beaucoup de choses à voir. Une autre difficulté à l’horizon blanc: trouver le sentier, qui est dorénavant enterré sous la neige.

Je vous confirme que pour les dix jours à venir, en gros, je n’aurai plus aucun moyen de vous tenir au courant de mes démêlés avec le wilderness américain. Il se pourrait qu’à Idyllwild, j’aie des choses à raconter. Prévoyez un week-end de lecture…

Votre soutien est capital et les messages que je reçois sont essentiels pour maintenir le moral au très haut niveau auquel il doit rester pour affronter les quelques menues difficultés que le Pacific Crest Trail offre avec munificence aux tarés qui viennent s’y promener. Merci à tous ceux qui m’écrivent, même si je ne répondrai pas forcément individuellement (Fred, Audrey, Paulo…). Merci également à ceux qui se sont inscrits comme membres du blog. Allez, un beau geste, faut qu’on fasse péter les compteurs, chez Google! Je ne peux pas arriver au Canada tout seul. On doit être une équipe qui gagne!


Le cinglé du jour:
En 2000, je crois, de mémoire, Brian Robinson a accompli la triple couronne en UNE SEULE année civile. Qu’est-ce que ça veut dire?
Ça veut dire qu’il a parcouru le Pacific Crest Trail (4300 km), le Continental Divide Trail (plus de 5000 km) et l’Appalachian Trail (près de 4000 km) entre le 1er janvier et le 31 décembre de la même année. Les trois à la suite, avec les menues contraintes des saisons.  Ça dépasse l’entendement, et ça n’a jamais été renouvelé. Pas vraiment surprenant, non?


Dernière minute:
13 heures. J’aperçois un bout de ciel bleu et les stalactites devant ma fenêtre commencent à fondre. Alleluia! Des enfants rient et crient en faisant de la luge devant moi. Bon, je vais écrire à la météo pour me plaindre: ils ont deux heures de retard. C’est quoi, ce bordel?




Un p'tit café pour Philippe au magasin de Mount Laguna.

3 commentaires:

  1. Encourager ? ... je veux bien, mais pas un thru hiker qui reste le cul au chaud au lodge de Mount Laguna !!! Allez, en route ... Et pas en voiture avec la postiere, c'est quoi ce travail ! Polaire, doudoune et rechaud sur le dos, et en route ! Au pire, il y a la petite ville de Julian dans 48km. Tu n'en parles pas ... C'est pas mal pourtant. Dans deux jours max, c'est le beau temps ! Bon courage. A bientot. NB : la montagne, c'est la montagne, dans le sud californien ou non, nous, la doudoune, on l'a eu dans le sac pendant les 5 mois, c'est trop con de rester bloquer par manque d'equipement ... Et pour gagner 300 gr ! ON Y CROIT, ON EST AVEC TOI !

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  2. OK, then, off and away!!You are constantly in our thoughts, I chide myself as I put on a sweater in our sunny temps...I will anxiously await your next words-

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  3. C'est toi qui nous disait que rêver d'un gateau ce n'était pas manger un gateau mais rêver de voyage c'est déjà voyager; alors je marche avec toi le soir dans mon lit douillet quand je prends des nouvels. Courage, le Canada n'est pas loin
    Jean-François

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