lundi 2 avril 2012

Long Beach

"What makes mountain-going peculiar among leisure activities is that it demands of some of its participants that they die."
Robert MacFarlane, The Mountains of the Mind, 2003


"Ce qui distingue la montagne des autres activités de loisirs, c'est qu'elle exige de certains de ses pratiquants qu'ils meurent".


Voilà ce que j'ai vu dans l'avion vers Los Angeles... C'est bien, c'est ce qu'il me fallait, tout en regardant avec émotion — et une certaine angoisse — le désert de Mojave au soleil couchant depuis mon hublot. Le bouquin est pourtant passionnant. J'ai craqué à Heathrow, l'aéroport de Londres, en tombant sur "Les montagnes de l'imaginaire", qui étudie l'histoire de l'attirance, parfois irrationnelle, pour la montagne depuis le XIXe siècle, et les perceptions qu'on en a. Irrationnel, oui, c'est bien ça. MacFarlane a dû entendre parler de moi.


Arrivée à Los Angeles, passage par l'immigration:
- "Vous avez un visa? Pourquoi?
- Je viens faire une randonnée, le Pacific Crest Trail.
- Le... Pacific... Crest... Trail...?
- Oui, c'est un parcours qui va du Mexique au Canada.
- Euh... Et combien de temps il vous faut pour ça?
- Six mois environ.
- Six mois!!? Combien de miles?
- Vous tenez vraiment à ce que je vous le dise? 2600.
Regard fixe de l'officier de l'immigration.

- Et avec qui vous faites ça?
- Seul.
- SEUL? Mais il peut vous arriver plein de choses!
- Oui je sais.
- Euh, et vous partez d'où déjà?
- De Campo, près de San Diego, à la frontière mexicaine.
- QUOI? Vous allez seul à la frontière mexicaine? Mais c'est très dangereux là-bas! Il faut pas aller marcher là-bas!
- Oui, je sais, mais il y a d'autres randonneurs qui font la même chose que moi. Et puis, j'en rêve depuis longtemps.
- Ah! C'est un rêve? Eh bien, soyez prudent, c'est dangereux. Même si c'est un rêve."

Il m'a jeté le regard qu'on doit jeter au condamné à mort. Il était ébranlé, l'officier de l'immigration. Il a peut-être raison, après tout. Je dois reconnaître un certain trac devant ce qui m'attend.

J'arrive chez Hertz récupérer ma voiture de location. Les papiers sont faits, l'employé débonnaire prend son talkie-walkie et demande qu'on vienne livrer la voiture au bureau pour un "V.I.P.". Et quand je lui demande si c'est moi qui suis censé être le V.I.P., il ajoute avec un sourire que la voiture était garée assez loin. Et là, je laisse échapper la phrase révélatrice qui donne à réfléchir, finalement. En regardant mon sac, je lui dis instinctivement: "Oui, merci, parce que c'est lourd, ce truc..." J'ai alors pris conscience que je suis censé l'avoir sur le dos pour les six mois à venir, ce truc.

Bon, il est 5 heures du mat' pour moi, la journée a été longue, il va être temps d'essayer de dormir. Rob vient de me servir un whisky, ça va peut-être aider.


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